Keynotes : une évolution de la communication
Par Didier Pulicani - Mis à jour le
Keynote, en terminologie anglaise. Mais depuis quelques temps, la stratégie de Cupertino a bien changé, et les utilisateurs accomplis se posent beaucoup de questions à propos de ces conférences.
Un peu d'histoire

Si l'Apple ][ a bel et bien eu sa conférence, la première Keynote (avec un grand K) reste malgré tout celle du Macintosh, en 1984. A l'époque, Steve Jobs était apparu en costume et noeud papillon, coiffé à la
Patrick Swayze, mais l'excitation de l'homme a vite su prendre le pas sur l'aspect vestimentaire. Internet n'existait pas, il n'était alors pas question de diffusion en temps réel, mais la communauté était déjà présente, et a pu découvrir le premier ordinateur capable de dire
Bonjourà son interlocuteur. La magie a opéré, et Steve Jobs a su mettre en avant chaque atout de son Macintosh, en face d'une armée de geeks en puissance (à l'époque, c'était peu dire !).
Steve s'en va, Apple expo arrive

Si le Mac continue d'évoluer et s'impose dans la micro-informatique, les conférences d'Apple sont un peu plus mornes. Oh il y aura bien eu la présentation du MacPlus (1986) ou encore celle du PowerBook (en 1991), qui auront marqué une époque. Mais il faut le dire, les keynotes des années 80/90 n'auront pas frappé leur temps d'une encre indélébile, Apple était à cette époque, beaucoup plus douée pour les expositions, et pour les conférences de presse plus traditionnelles. L'Apple expo date par exemple de 1985 (Tout comme la Macworld Expo) ! Le salon est un des plus anciens consacrés au Mac, et a su, au fil des années, rassembler un public de connaisseurs, mais surtout de journalistes spécialisés, avides de nouveautés-produits.
1997 : le retour d'iPapy !

Cette fois ça y était : Steve Jobs était de retour, bien décidé à relancer ses grandes conférences. Mac OS X, PowerBook G4, iPod, iBook... A chaque annonce, le public frémissait d'avance. Le côté presque magique et hypnotique avait quasiment pris le pas sur les atouts des produits. A chaque fonctionnalité dévoilées, les
Ohhhsuccédaient aux
Ahhhh. On a très vite comparé ces keynote à une messe de fanatiques, Steve jouant sans conteste le rôle du grand gourou.
Des keynotes calées sur les expos...

Flower Powernotamment.
Cette période faste a par ailleurs, permis à Apple de retransmettre les vidéos en temps réel sur internet. Les
Streamsétaient alors devenus coutumiers, ce qui permettait de mettre en avant QuickTime et ses capacités de diffusion. Le public de fans de la marque était d'autant plus conquis, qu'il suffisait d'allumer
QuickTime TVpour voir Steve Jobs dévoiler ses produits en temps réel.
Trop de produits, pas assez d'expos !

A cette époque, il ne faut pas non plus oublier que les sites de rumeurs et d'informations ont commencé à être bien implantés, et que la presse, de manière générale, tendait à conseiller au public d'attendre ces fameuses keynotes avant de renouveler leur matériel. Même si l'impact peut être discutable, on imagine un gel relatif des ventes, et Apple a petit à petit changé de stratégie, en programmant des événements au fil de l'année. Il devenait ainsi plus délicat de réaliser des prévisions cohérentes, surtout au niveau des dates.
Au début, ces conférences improvisées parurent assez étranges : seuls quelques journalistes triés sur le volet étaient présents. Mais la conférence n'avait pas toujours lieu ! Ainsi, les PowerMac G4 ont été mis à jour dans le silence le plus total, ce qui arrangeait bien Apple, qui avait alors du mal à faire grimper en fréquence son PowerPC.
La disparition des salons Mac

Mais ces annulations à répétition cachaient surtout un changement de stratégie sur lequel nous reviendrons plus loin, dans l'article. Au final, il ne reste en 2007 plus que deux gros salons où Apple se déplace, à savoir Apple expo (en septembre) et la MacWorld de San Francisco (début janvier).
D'autres expositions, historiquement non supportées par la Pomme, ont également vu le jour, en Angleterre (Mac-Expo) ou en Allemagne, pour ce qui est de l'Europe de l'Ouest. Petit à petit, Cupertino y a affiché des stands un peu plus conséquents (notamment à Londres), mais ne poussant pas le vice à y faire des annonces ou à y dépenser des millions.
A cette même époque, les conférences n'ont d'ailleurs plus été retransmises sur le net, à quelques exceptions près. Là aussi, les coûts auraient été beaucoup trop importants pour la firme, qui n'y voyait que peu de retombées intéressantes.
2005 : le clash à Paris !

.Maca été discrètement mis à jour durant une conférence de presse. En 2006, les nouveaux iPod ont été présentés en catimini à Londres, à tel point que la presse se demandait si l'annonce n'avait alors pas été quelque peu improvisée au dernier moment.
Si historiquement, Apple expo n'a jamais été le théâtre de grandes annonces (à part Mac OS X Beta et l'iMac G5 - si l'on oublie la Mighty-Mouse :-p), la conférence d'ouverture d'Apple expo avait surtout pour but de présenter à la presse européenne, les dernières nouveautés d'Apple. La WWDC ayant eu lieu pendant l'été, Steve avait pour habitude de faire doublon, en présentant une nouvelle fois les dernières avancées de la marque à un public pas toujours très au fait.
La théorie du complot contre les français

Nous sommes en pleine période DADVSI, et Apple est malmenée par le gouvernement, qui n'apprécie guerre la politique d'iTunes et ses chansons protégées. Mais cela peut-il être une cause raisonnable et suffisante pour annuler une keynote ? Assurément que non, d'autant que d'autres pays font également pression sur Apple à propos des DRM.
La chose a tout de même le don de choquer, car il est vrai qu'Apple a presque toujours réalisé une conférence à l'ouverture du salon. La France y a rapidement vu un affront, consolidé par le refus de financement d'Apple US durant l'édition 2006 d'Apple expo ou encore l'absence étonnante d'Apple Store de la marque dans le pays. En réalité, il semble que ces deux points n'aient rien à voir avec une quelconque politique anti-française de la part de Cupertino. Le contexte historique des revendeurs Mac met Apple dans une situation délicate concernant l'implantation d'AppleStore en dur. Et pour ce qui est de l'édition 2006 délaissée par Apple US, il semblerait que le conflit soit plutôt lié à des soucis de coordination avec les organisateurs de l'exposition.
Dernière piste probable, mettant à mal la France : Apple Europe déménage à Londres ! Cette fois, ça y est, tout le monde est persuadé qu'iPapy a quelque chose contre le
pays des frômages qui puent!
La piste anglaise

Peu d'explications ont été données concernant ce changement de siège européen par Cupertino. Il est vrai que le marché UK est assez cadré sur celui des USA. L'iPod cartonne, iTunes y atteint des sommets, et les salaires anglais permettent de s'offrir sans doute plus facilement un Mac, dont les parts de marché sont parmi les plus élevées d'Europe. Ce contexte, couplé à la langue anglaise, facilite sans doute le contact avec les USA. Les véritables raisons de ce déménagement ne semblent pas réellement plus complexes que cela, d'autant qu'Apple Europe n'a jamais représenté des milliers de personnes. Le pouvoir décisionnel est presque absent, et Apple Europe n'a toujours été qu'une grossière vitrine des USA.
Malgré tout, ce basculement outre-Manche de Cupertino ne semble présenter aucun lien avec Apple expo et ses keynotes annulées. Pour preuve, en 2006, avec une Mac-Expo censée être mise en avant par la Pomme et annoncée comme remplaçante du salon parisien, la réalité en est tout autre : le stand Apple était minuscule, et le salon faisait bien pâle figure, ne serait-ce qu'en terme de surface, par rapport à Apple expo. Le basculement tant annoncé n'a pas eu lieu, ce qui a amené certains discours à s'interroger sérieusement sur ces rumeurs
anti-Francede moins en moins crédibles.
Un changement clair de stratégie

La stratégie mondiale des grandes sociétés s'axe très souvent sur une centralisation des annonces car cela s'avère plus facile et plus logique pour communiquer, que d'aller dispatcher les conférences de part le monde. N'oublions pas que si dans les années 80/90, Apple se cantonnait à l'informatique de niche, la société a mûri, et intéresse désormais des sources d'information bien plus larges, ce qui nécessite une certaine adaptation.
Il est également possible que la facilité d'organisation induite par la localisation donne une plus grande souplesse à Apple dans la mise en place de conférences à la dernière minute (si l'on peut dire), durant l'année.
Que prévoir pour l'avenir ?

Pour ce qui est des annonces touchant l'Europe (comme l'iPhone ou encore iTunes Store), il est probable qu'Apple reste en Angleterre, plus par mesure de practicité qu'autre chose.
Est-ce pour autant la fin des keynotes ? Les fans aimeraient à penser que ce ne soit pas le cas. Ce n'est finalement qu'un choix stratégique sur lequel Apple peut être amenée à revenir dans quelques années, et ce ne serait pas une première !
Une hypothèse de plus

Un déplacement à Paris, Londres ou Tokyo n'est pas une mince affaire. Le discours doit être adapté, et il va sans dire que la préparation peut prendre plusieurs semaines, suivant les produits.
Ce serait en effet oublier l'aspect
humaindes keynotes, que de ne pas considérer qu'iPapy ait un emploi du temps un peu trop chargé pour amuser les foules de part le monde. Avec l'âge, il n'a d'ailleurs peut-être plus l'énergie d'antan !