On ne sait pas trop comment Amazon avait envisagé et soutenu le contraire, mais la Cour de Justice Européenne n'en avait pas le moindre doute : elle est bien une très grande plateforme en ligne.
Une décision majeure
L’Union européenne vient de remporter une bataille décisive dans l’application du Digital Services Act. Pour la première fois, la CJUE était appelée à se prononcer sur la désignation d’un géant du numérique comme très grande plateforme en ligne. Le verdict est sans ambiguïté : Amazon reste soumis au régime renforcé du DSA, malgré son recours.
Pour rappel, en avril 2023, la Commission européenne avait classé Amazon Store parmi les plateformes dépassant le seuil des 45 millions d’utilisateurs européens, ce qui implique des obligations accrues : modération renforcée, transparence algorithmique, contrôle de la publicité… et des amendes pouvant atteindre 6 % du chiffre d’affaires mondial en cas de manquement.
Amazon avait contesté cette décision, estimant que Bruxelles violait plusieurs principes fondamentaux – dont la liberté d’entreprendre et le droit de propriété. La Cour de Luxembourg a balayé l’ensemble de ces arguments, estimant que les coûts et contraintes générés par le DSA sont proportionnés à l’objectif recherché : protéger les consommateurs et lutter contre les contenus illégaux.
Pourquoi Amazon était visé ?
Le cœur du débat portait sur l’idée même de risque systémique. Amazon soutient qu’un site de vente en ligne vend des produits et n’a pas l’impact informationnel ou social d’un réseau comme Facebook ou X.
De son côté, la Commission avait répondu qu’Amazon structurait une part massive du commerce en ligne européen et pouvait donc exposer des millions de consommateurs à des produits dangereux, contrefaits ou illégaux (on a bien vu ce que ça donnait du côté de Shein ou de Vinted...).
La CJUE lui a donné raison : la taille et l’influence d’Amazon justifient le contrôle renforcé, indépendamment de son modèle publicitaire ou de sa nature de marketplace.
Et la suite ?
Même si Amazon entend interjeter appel, cette démarche n’a pas d'effet suspensif. Autrement dit : l’entreprise reste pleinement soumise au statut de très grande plateforme en ligne, et doit continuer à respecter toutes les obligations du DSA.
Rappelons que ce statut implique de nombreuses obligations, notamment une transparence détaillée sur les systèmes de recommandation, l’évaluation et la réduction des risques systémiques, un accès facilité pour les chercheurs européens aux données d’activité, un contrôle renforcé sur les vendeurs tiers, et une obligation de retrait rapide des produits illégaux.
Pour Bruxelles, l’enjeu est stratégique : ne laisser aucun acteur échapper au cadre, surtout lorsque celui-ci structure une part essentielle du commerce numérique. Une décision qui tombe — comme par hasard — à un moment de grande frénésie médiatique, à la veille du Black Friday !