Si jamais Shein avait envie de se mettre à dos d'autres secteurs de l'insdustrie, certains diraient que c'est en bonne voie ! En effet, le géant chinois de l'ultra fast fashion ne se contente plus d’inonder la planète de vêtements à vil prix, il s’attaque désormais au marché américain du livre d’occasion. Cette diversification, pour le moins inattendue, s'intègre parfaitement à la logique expansionniste du groupe. Et elle pourrait changer la donne dans un secteur déjà fragilisé.
Un partenariat massif avec Alibris
Shein vient d'officialiser cette semaine un partenariat avec Alibris, l’un des pionniers du livre d’occasion en ligne aux États-Unis. Le but est d'intégrer dans son immense marketplace, plus de 100 000 ouvrages de seconde main.
On y trouvera des romans (romance, fantasy, polar : les genres préférés de la Gen Z), des manuels scolaires (un marché très lucratif outre-Atlantique, où les prix peuvent atteindre plusieurs centaines de dollars) mais aussi des titres neufs ou d’occasion issus du catalogue de plus de 200 millions de références revendiquées par Alibris.
L’opération tombe à pic pour la période des fêtes, traditionnellement marquée par une explosion des ventes de livres aux États-Unis. Shein s’appuie d'ailleurs sur une grande enquête interne : sur 11 000 adultes américains interrogés, un tiers affirme lire chaque jour ou chaque semaine. La tendance aurait séduit la plateforme, toujours à l’affût des grosses niches.
Mais pourquoi donc ?
Ce mouvement n’a rien d’anodin, puisque Shein a toujours affiché son ambition de devenir une plateforme généraliste mondiale. Le groupe cherche à devenir une version plus jeune (et moins chère) d'Amazon, où l’on peut acheter vêtements, déco, électronique, accessoires et désormais livres.
Le livre d’occasion est d'ailleurs un marché cible parfait pour Shein, qui pourra y réaliser des marges intéressantes, utiliser des produits faciles à stocker (des parallélépipèdes...), gérer des volumes élevés et une forte demande des 15-30 ans (romans, mangas, comics plus que les oeuvres complètes d'Emile Zola, soyons réaliste).
Le livre est aussi un moyen de redorer son image, de lui donner un voile de durabilité (surtout avec l'occasion) à l'opposé de la démoniaque ultra-fast-fashion dont les effets sur la planète croule sous le feu des critiques.
Enfin Shein profite d'une situation problématique aux USA : les études ! En effet, les étudiants américains doivent débourser des sommes importantes — parfois 300 à 600 dollars par semestre pour leurs manuels. La revente de livres comme neufs à prix cassés pourrait donc se révéler un marché plus que lucratif pour qui sait maîtriser la logistique.
ET la suite ?
Si l’initiative est (pour l’instant) réservée aux États-Unis, elle provoque déjà des inquiétudes du côté des libraires et acteurs culturels français. En effet, en France, le marché du livre est déjà menacé par les géants du web. Aux yeux de nombreux professionnels, l’arrivée potentielle de Shein serait un nouveau risque pour l’équilibre fragile des librairies indépendantes.
Enfin le milieu craint un contournement possible des lois françaises. Le prix unique du livre et les règles de vente en France pourraient être malmenés par la plateforme qu'elle cherche à interdire sur son territoire. La perspective de Shein vendant aussi des livres soulève donc une certaine méfiance.
