En quelques semaines, Cluely, une start-up fondée par deux étudiants, est passée d’un outil de triche maison à une entreprise financée à hauteur de 5,3 millions de dollars. Il faut dire que son objet social est attractif : proposer à ses utilisateurs de ne plus jamais réfléchir seuls, y compris pendant un examen, un entretien d’embauche ou un appel commercial.
Une histoire incroyable
Tout commence en mars dernier : Chungin Lee, étudiant à l’université de Columbia, partage sur X une démo d’un outil baptisé Interview Coder. Il veut en effet tricher discrètement lors d’un entretien en visio grâce à une fenêtre masquée dans le navigateur, invisible pour l’interlocuteur. Le résultat est plutôt prometteur : des offres chez Meta, TikTok ou Amazon. Et surtout, une vidéo YouTube qui explose les compteurs.
Forcément, Amazon alerte l’université, et Lee se voit temporairement suspendu avec son cofondateur. Pendant un moment, j’ai cru que j’avais ruiné ma carrière pour quelques milliers de vues, raconte-t-il. Mais ce bad buzz devient tremplin. La vidéo cumulant plus de 3 millions de vues, Cluely attire rapidement l’attention des investisseurs. Le duo lève ainsi 5,3 millions de dollars auprès de Susa Ventures et Abstract Ventures, pour développer une IA générative spécialisée dans la triche en temps réel.
Une IA pour tricher partout ?
Sur le site de Cluely, le message est clair : Nous voulons tricher sur tout. Et oui, le monde appellera cela de la triche. Mais la calculatrice aussi, le correcteur orthographique aussi, et Google aussi.
Le service fonctionne via une extension de navigateur qui affiche discrètement la réponse à l’utilisateur, sans que personne ne s’en aperçoive. Une version gratuite existe, mais un abonnement Pro à 20 dollars par mois donne accès aux modèles les plus récents et à des fonctionnalités avancées.
Dans une vidéo de démonstration, Chungin Lee utilise même son outil pour improviser des connaissances artistiques pendant un rendez-vous au restaurant. L’IA -comme dans les films d'espionnage- lui souffle les bonnes répliques en direct.
deux camps
Sur les réseaux, les réactions oscillent entre admiration technique et malaise éthique : une pub façon Black Mirror, la meilleure vidéo de lancement de start-up... Les réactions sont divisées. Mais certains s’alarment déjà d’un outil qui, sous couvert d’assistance, pourrait saper la confiance dans les échanges humains et les processus de recrutement.
La start-up dit vouloir libérer le potentiel de chacun. Ses détracteurs y voient surtout un accélérateur de paresse intellectuelle. Il faudra savoir si Cluely tiendra sur la durée ou finira banni des écoles, des entreprises, et peut-être un jour des navigateurs.
En tout état de cause, si vous vous faites embaucher pour des compétences que vous ne possédez pas et que vous ne savez pas faire votre travail, votre employeur risque un jour de s'en apercevoir... En effet, mentir pendant en entretien d'embauche peut sembler une stratégie gagnante sur le moment, mais les conséquences à moyen et long terme peuvent se révéler bien trop risquées.
