C'est une affaire qui pourrait faire date dans la lutte des artistes contre l'intelligence artificielle. Françoise Cadol, la voix française emblématique de Lara Croft, a mis en demeure l'éditeur du jeu Tomb Raider, Aspyr Media, pour avoir utilisé une version clonée de sa voix par IA sans son autorisation.
Une voix "robotique" qui ressemble à l'originale
L'affaire a éclaté à la mi-août, lors de la sortie d'une mise à jour pour la compilation remastérisée des jeux Tomb Raider IV, V et VI. Des fans de la première heure ont immédiatement remarqué que la voix de Lara Croft dans les nouvelles indications de jeu n'était pas tout à fait celle de Françoise Cadol. Elle lui ressemblait, mais avec une intonation "métallique" et "hachée", typique d'une voix de synthèse.
Alertée par sa communauté, la comédienne, qui est également la voix française d'Angelina Jolie (en particulier dans les films Tomb Raider) et de Sandra Bullock, a découvert avec stupeur que sa voix avait été clonée par une IA pour générer ces nouvelles répliques, sans qu'elle n'ait jamais été contactée ni n'ait donné son accord.
"Ma voix m'appartient"
Pour l'artiste, c'est un "vol pur" et un "irrespect total". "La voix entre dans l'intimité, il y a une complicité. Pour les fans, c'est une trahison", a-t-elle déclaré au journal Le Parisien.
Avec son avocat, elle a donc envoyé une mise en demeure à l'éditeur américain, demandant le retrait de la compilation et des justificatifs sur le nombre d'exemplaires vendus. C'est la première étape avant une probable action en justice. L'affaire est d'autant plus marquante que Françoise Cadol est une figure engagée du mouvement "Touche pas à ma VF" et avait explicitement exercé son droit de refus pour l'utilisation de sa voix dans l'entraînement des IA.
Un secteur en danger ?
Cette affaire montre les craintes grandissantes du monde du doublage, un secteur qui emploie 15 000 personnes en France. Face à la facilité et au faible coût du clonage vocal, de nombreux professionnels craignent de voir leur métier disparaître au profit de voix de synthèse, qui plus est utilisées sans leur consentement.
On en dit quoi ?
Ce cas est emblématique car il ne s'agit pas d'une expérience isolée sur YouTube, mais bien d'une exploitation commerciale assumée dans un produit de grande consommation. L'éditeur a utilisé la notoriété et le timbre unique d'une comédienne pour créer une version "low-cost" de sa performance, sans la rémunérer et contre sa volonté.
Juridiquement, l'affaire semble solide. En France, la voix est considérée comme un attribut de la personnalité et une donnée biométrique, protégée par le droit à l'image et le RGPD. L'issue de cette procédure sera donc scrutée de très près par toute l'industrie. Elle pourrait créer un précédent juridique majeur, très attendu par toute la profession, pour la protection des artistes face aux dérives de l'intelligence artificielle générative. Et vous, vous pensez que l'IA va remplacer les comédiens de doublage ?