Bien que le problème soit latent depuis des années, le différend entre Epic Games et Apple a commencé sur les chapeaux de roues. A peine deux semaines après la suspension de Fortnite, pour avoir intégré des achats directs (faisant fi des guidelines), les deux se sont retrouvés hier dans une procédure d'urgence, équivalente au référé. Presque face à face, puisque -crise sanitaire oblige- il s'agissait d'une audience en visioconférence.
La juge Yvonne Gonzalez Rogers y a entendu les arguments des parties sur l'interdiction du compte développeur d'Epic de l'App Store. En effet, la réponse de Cupertino s'est faite en deux temps : en premier en suspendant Fortnite le 13 août, en second en tentant d'élargir cette mesure au compte dev. Au préalable, la magistrate a exprimé quelques inquiétudes sur la gestion des uns et des autres.
Mais c'est une décision très logique d'attente, qui a été rendue. La juge s'est prononcée en faveur d'Epic sur son accès aux SDK (son compte développeur est donc maintenu, de même que les mises à jour d'Unreal Engine), mais contre la tentative de la société de rétablir Fortnite avec la fonction de paiement direct. Cette dernière contrevient au contrat conclu en bonne et due forme. (Rappelons qu'il s'agissait d'un débat sur l'urgence et non le problème de droit qui nécessitera d'autres échanges).
D'un côté, la magistrate s'est interrogée sur la façon, dont Apple empêchait Epic d'accéder aux plates-formes de développement, et l'impact sur l'activité des jeux. Elle a d'ailleurs considéré qu'il s'agit d'une double sanction. Ce qu'Apple a fait va au-delà de son seul rapport avec Epic Games, cela constitue un effet de levier important et une pénalité supplémentaire. Rappelez-vous, je viens de commencer cette affaire, mais cela me semble être des mesures de représailles.
De l'autre, elle a noté qu'Epic n'avait pas non plus les mains très propres. Elle a semblé très sceptique sur le fait que l'éditeur ne sache pas exactement ce qu'il faisait, quand il a décidé d'enfreindre les règles de l'App Store et, juste après, de lancer une guerre médiatique contre Apple.
Dans le détail, la juge a retenu qu'Epic ne démontrait pas de préjudice irréparable, ajoutant que la situation semblait être de sa propre initiative. Pour l'éditeur, Fortnite est davantage comme une plate-forme sociale qu'un simple jeu informatique, insistant sur les millions de joueurs qui prennent part à des événements spéciaux tels que des concerts et des rassemblements.
Sur ce point, elle a reconnu que les évasions virtuelles aident à connecter les gens, et plus encore avec la pandémie, mais que cet argument ne l'emportait pas sur l'intérêt public général d'exiger des parties privées qu'elles respectent leurs accords contractuels ou de résoudre les différends commerciaux par le biais de procédures normales, ou accélérées.Fortnite restera donc privée d'App Store, tant que l'app présentera ce nouveau système de paiement.
En passant, Apple a rajouté qu'Epic a intégré ce système d'achats directs pour lancer intentionnellement une bataille juridique. Ce que les avocats adverses ont reconnu : cette décision était nécessaire pour forcer la main d'Apple.
Enfin, Apple a reçu l'ordre de ne pas prendre de mesures contre le compte développeur d'Epic Games International. L'entité est responsable de la licence d'Unreal Engine, sur laquelle de nombreux développeurs iOS et Mac s'appuient pour leurs propres applications. Une interdiction du compte dev empêcherait la société de mettre à jour Unreal Engine et nuirait, par extension, aux développeurs tiers utilisant ce logiciel.
Ainsi, la juge précise : Apple a choisi d'agir avec sévérité mais, ce faisant, sa décision a un impact sur des tiers et sur un écosystème de développeurs tiers. Pour la prochaine étape de la procédure, il conviendra d'attendre le 28 août, avec l'audience portant sur l'injonction préliminaire et le sort de Fornite, et plus encore, pour connaître la position de la justice face à la commission des 30 % ou l'existence d'un comportement antitrust de Cupertino.
