Les voitures électriques sont-elles de bonne voitures de course ? Lorsqu'Audi nous a proposé de participer à la seconde édition de son Grand Prix 100% électrique au Circuit Paul Ricard du Castelet, nous avions vraiment hâte de voir ce que les E-Tron GT avaient dans le ventre sur circuit !
Comme vous allez le voir dans la vidéo ci-dessous, cette journée fut riche en rebondissements mais aussi en matière d'apprentissage. On verra notamment que malgré notre bonne expérience sur route ouverte en voiture électrique, il faut surtout de l'expérience sur circuit et en compétition pour remporter une course d'endurance comme celle-ci !
Quelle voiture pour la course ?
Notre équipe fut composée de mon collègue Max Blondé (Max BLD sur YouTube) et de votre serviteur. Il faut avouer que voir son nom sérigraphié sur une voiture de course est un sentiment toujours très flatteur, mais également gage de grandes responsabilités !
Tous les pilotes auront la même voiture, il s'agit d'une Audi S e-tron GT dont les spécifications sont les suivantes :
• 591 ch (680 ch en mode boost) • 590 (740 nm en mode boost) • 0 à 100Km/h en 3,6s • 2 moteurs (1 par essieu) • 400 kW de régénération au freinage
Ce n'est pas la plus performante de la gamme (qui reste la RS E-Tron GT Performance), mais la puissance est largement suffisante pour l'exercice et cela évite aussi les mauvaises surprises en virage.
Parmi les défauts de ce modèle, il faut évidemment évoquer son poids (2385Kg), soit 500 kg de plus qu'une Tesla Model 3 par exemple, mais surtout 1300 Kg de plus qu'une Alpine A110 ! Heureusement, les étriers et les pneus ont été dimensionnés en conséquence : un système de freinage haute performance de 20 pouces avec disques de frein à revêtement en carbure de tungstène à l'avant :
• Étriers de frein à 6 pistons sur l'essieu avant et étriers de frein à 4 pistons sur l'essieu arrière • Diamètre des disques de frein 410 mm à l'avant et 365 mm à l'arrière
Les règles du jeu
L'Audi GP 100% électrique est une véritable course officielle homologuée par la Fédération Française du Sport Automobile.
Je vous fais grâce des aspects administratifs, mais nous avons couru en tant que véritable pilotes (nous avons d'ailleurs été licenciés par la FFSA pour l'occasion), avec des commissaires de course, et les règles habituelles en course auto (vitesse limitée dans les stands, temps d'arrêts obligatoires, pénalités etc.)
La règle de la course est plutôt simple : 11 équipes de 2 pilotes sont engagées dans deux heures de course, et doivent effectuer le maximum de tours de piste avec une seule charge. Le but est donc de finir la course autour de 0% au drapeau à damier, mais il faut encore garder quelques kWh pour ramener la voiture jusqu'aux paddocks -vous allez d'ailleurs voir que le plus difficile n'était pas d'atteindre la ligne d'arrivée !
Quelle stratégie adopter ?
Avec une batterie d'environ 105 kWh (97 kWh net) pour 2H de course, il va falloir certes, économiser les watts dans les phases de décélération, mais l'on a suffisamment de marge pour quand-même d'envoyer de la puissance en ligne droite.
120 minutes avec 100% de batterie, un rapide calcul démontre qu'il faut rester autour des 0,8%/minutes pour arriver serein sur la ligne. La stratégie se complexifie avec les changements de pilote, qui effectuent des sessions de 15 minutes : il faut donc se fixer des objectif de pourcentage de batterie avant chaque changement. Un coach nous a ainsi été attribué pour nous conseiller à chaque instant via la radio et dans les paddocks -le garant de notre réussite, en sommes.
Mais il ne suffit pas de décréter les pourcentage pour optimiser ses trajectoires. L'autre partie de la course, c'est évidemment la gestion de la dépense et de la récupération de l'énergie... un vrai travail de pilote !
Gérer la régénération
La course a lieu sur le circuit 3A du Castelet, une version réduite (3,2km, 8 virages) des courses de F1 qui se déroulaient historiquement au circuit Paul Ricard.
Contrairement à un véhicule thermique, qui ne fabrique pas d'essence au freinage, une voiture électrique peur récupérer une partie de son énergie lors des phases de décélération.
Il est donc important de ne pas oublier de freiner de façon progressive avant les chicanes et les virages trop serrés. Freiner trop fort, comme souvent en course, utilisera ainsi les plaquettes et l'on perdra alors du jus inutilement -il faut donc éviter de ralentir au dernier moment, quitte à perdre de précieuses secondes au tour.
Mais le plus difficile va aussi être de gérer l'accélération. Avec une VMax de 245 km/h, autant vous dire qu'il faudra se limiter en ligne droite pour ne pas perdre 2% de batterie sur 500m ! La vMax acceptable se situait autour de 180/200Km/h, même si nos petits copains de Turbo ont apparemment dépassé cette limite à plusieurs reprises -n'est-ce pas Cyril Drevet !
L'expérience de la course
Pour des novice de la course auto (comme nous), le plus difficile a été de maîtriser nos trajectoires, ce qui, dit comme ça, ne reflète pas toute la complexité de l'exercice pratique.
Contrairement à la plupart des pilotes, nous n'avions jamais roulé sur ce circuit, et l'apprentissage du tracé est pourtant capital pour optimiser au mieux les trajectoires. On ne sort pas d'une courbe de la même façon si elle fait 50 mètres que si elle se prolonge sur 200m.... et de la vitesse de sortie dépend également la suite des trajectoires ! A force de tourner, nos temps se sont améliorés et nous étions assez fiers de nos prestations.
A cela, il fallait rajouter la gestion de la récupération. Ne pas envoyer trop de gaz watts en entrée et laisser un filet de frein en sortie, sans jamais mettre le pied dedans... voilà toute la complexité de l'exercice, d'autant qu'il fallait ajuster la vitesse à chaque étape du virage. Être assez rapide pour ne pas perdre de temps, mais pas trop vite pour éviter de perdre des kWh en tapant dans les plaquettes ou avec le frottement des pneus lorsque la voiture venait à glisser.
Nos principales erreurs
Cela semblait anecdotique pour nous, mais le passage dans les stands jouait également un rôle important : il fallait en effet taquiner la limitation à 50 km/h jusqu'à l'arrêt complet, sans jamais la dépasser (il y avait des radars en entrée et sortie de stand) et nous avions parfois tendance à rouler trop doucement, perdant ainsi de précieuse secondes.
Deux journalistes de Mac4Ever se cachent dans cette image
Un échange malheureux avec notre coach nous a fait perdre de précieuses minutes, ce dernier nous fournissant les objectifs de pourcentages pour chaque run. Manque de chance, à la fin du premier tiers de la course, il semble avoir interverti une valeur à Max dans le talkie -l'erreur est humaine, mais celle-ci nous a vraiment coûté cher. Max a donc envoyé les Watts durant cette fameuse session, offrant à notre équipe d'excellents temps, mais au prix de kWh perdus inutilement. La seconde partie de la course a donc été l'occasion de rattraper ces pourcentages, engendrant plusieurs tours de retard sur la tête du classement -mais nous y sommes arrivés malgré tout !
Dernière erreur, de ma part cette fois, j'avais tablé sur une heure d'arrivée erronnée : la course avait commencé à 13H46 et devait donc se finir à cet horaire précis. Là encore, je n'ai pas eu l'information, et j'aurais certainement dû la demander avant d'entamer la dernière session car il s'agit d'une donnée capitale ! Je n'avais d'ailleurs qu'une horloge simple dans la voiture (uniquement les minutes) et aucun autre repère pour finir dans les temps correctement. Sans vous spoiler le résultat final, si la course s'était finie à 15H45 comme je le pensais, j'aurais pu terminer le dernier tour à une vitesse bien supérieure à celle que la voiture a fini par m'imposer ! D'ailleurs, on retiendra que le 0% chez Audi ne rigole pas avec les marges de sécurité... c'est peut-être ça l'info à retenir pour tous les clients de la marque !
Une expérience riche et inédite
A l'arrivée, même si l'on regrette souvent nos erreurs de débutant, c'est aussi par cette expérience que l'on progresse et que l'on peut prétendre plus tard à de meilleurs performances.
Une course reste un travail d'équipe, et pas seulement une affaire de pilotage, surtout en matière d'endurance. Les échanges avec les coachs mais aussi entre pilotes s'avèrent capitaux pour le bon déroulé des événements, c'est vraiment l'enseignement principal de cette aventure.
Bravo aux équipes de Motorsport Magazine avec Julien Diez & Nicolas Gourdol et de Top Gear Magazine avec Cédrik André & Le Tone, qui nous ont surtout prouvé que la connaissance du monde des voitures électriques était bien accessoire pour une telle course. Habitués du thermique, ils ont toutefois apparemment bien apprécié les performance de l'Audi S E-Tron GT !
Quant à nous, même si nous aurions aimé un meilleur classement, nous n'étions qu'à un tour de Turbo à l'arrivée et loin d'être ridicule sur la performance globale, malgré nos erreurs !Pas si mal pour des débutants, n'est-ce pas ?
Enfin, merci beaucoup à Audi pour l'invitation, pour l'organisation et le coaching sur place : toutes leurs équipes ont été vraiment fantastiques. Malgré nos lacunes en la matière, nous avons pris beaucoup de plaisir et nous espérons que cette vidéo vous aura donné envie de tester des VE sur circuit, ou à défaut, de vous intéresser à la course 100% électrique !