En septembre dernier, CATL, déjà leader mondial sur les batteries lithium-ion, annonçait enfin la commercialisation de ses premières batteries sodium-ion. Leur production de masse serait prévue pour 2026. Mais que vaut réellement cette technologie ? Quels en sont les avantages et les limites ? Les batteries sodium-ion sont-elles appelées à remplacer les actuelles batteries LFP ? Et surtout, à quel horizon peut-on réellement espérer les voir équiper nos voitures ?
La technologie sodium-ion : une ressource abondante et des avantages thermiques
Alors que les batteries LFP (Lithium-Fer-Phosphate) sont aujourd'hui la principale technologie équipant les véhicules électriques, les batteries sodium-ion, qui commencent à apparaître sur le marché, pourraient présenter des avantages écologiques, économiques et technologiques.
Utiliser une ressource plus abondante : le sodium.
Alors que certaines ressources stratégiques comme le lithium, le cobalt ou certains métaux comme le manganèse sont déjà fortement sollicitées, ce qui pose des défis de répartition, coût, extraction et qualité, une autre ressource se trouve disponible et plus simple à extraire : le sodium. En comparaison, le sodium est 1000 fois plus abondant que le lithium dans la croute terrestre ! Nous connaissions son potentiel depuis 1967, avec les systèmes sodium-souffre, mais les recherches avaient été arrêtées à cause de la contrainte posée par les anodes en graphite.
Éviter la baisse d'autonomie des batteries en hiver.
Accélérer le temps de recharge des véhicules électriques.
Grâce à leur structure, les ions sodium, plus volumineux que les ions lithium, se déplacent plus vite dans l'électrolyte. Leur résistance ionique est plus faible car ils se lient moins fortement. Résultat : la batterie se recharge plus vite.
Economiser en utilisant une ressource plus abondante.
Et selon ce principe économique, étant le 6ème élément le plus abondant sur terre, le sodium a une valeur moindre que celle du lithium. Son extraction, elle aussi, est moins coûteuse, et son raffinage moins complexe.. Сependant, ces économies d'échelle ne seront réalisables qu'avec une production de masse.
Les ressources pour la cathode : plus abondantes, moins onéreuses mais aux performances ambivalentes.
Tout d'abord, pour le collecteur de courant, à la place du cuivre, on utiliserait de l'aluminium. L’aluminium est plus abondant que le cuivre (à travers le minerai bauxite) et donc moins coûteux, ce qui est un atout pour fabriquer des batteries à grande échelle. De plus, il est stable et sûr dans le contexte d’une batterie sodium-ion, ce qui en fait une alternative intéressante, technologiquement parlant, pour le collecteur de courant.
Pour les batteries sodium‑ion, certains concepteurs envisagent d’utiliser deux collecteurs en aluminium (au lieu d’un cuivre + un aluminium dans les batteries lithium‑ion), car le sodium pose moins de risque de réaction agressive avec l’aluminium dans les conditions envisagées.
Bauxite
Parmi les autres ressources pouvant être utilisées dans la cathode actuellement, citons le blanc de Prusse, l'oxyde stratifié et le polyanion.
Le blanc de Prusse, utilisé par CATL, est un matériau à base de sodium, fer, parfois manganèse, carbone et azote. Il est basé sur des matériaux largement disponibles et peu stratégiques. Son problème : sa densité énergétique reste inférieure à celle des meilleures batteries lithium-ion.
La cathode à oxyde stratifié, utilisée par Faradion, repose sur des matériaux de type Ni‑Mn‑Mg‑Ti (oxydes métalliques stratifiés). Elle offre une densité énergétique relativement élevée pour une batterie sodium‑ion (environ 140‑160 Wh/kg). Son coût potentiel est annoncé comme inférieur à celui des batteries lithium‑ion grâce à l’absence (ou à la réduction) de cobalt/nickel et l’usage d’aluminium pour le collecteur. Son principal inconvénient : la capacité de la cellule décline davantage avec le temps.
Oxydes stratifiés
La chimie dite « polyanion », utilisée par Tiamat (notamment des matériaux à base de vanadium, phosphate et fluorophosphate),offre une stabilité structurelle élevée. Le coût est ainsi potentiellement réduit grâce à l’absence de lithium et de cobalt. Toutefois, la densité énergétique reste modérée (100 à 110 Wh/kg annoncés pour certaines cellules), et l’usage du vanadium soulève des questions de disponibilité et d’impact.
Une solution pour l'anode : le carbone dur
Pour les anodes des batteries à ions sodium, le choix principal se porte vers le carbone dur. Ce matériau résout le problème de l’insertion sodium sur un graphite classique.
Le carbone dur peut être produit à partir de précurseurs variés — biomasse, charbon, déchets organiques — ce qui le rend potentiellement plus abordable et plus écologique que des matériaux plus technologiques. Toutefois, même s’il s’agit d’une solution prometteuse, l’approvisionnement industriel en carbone dur reste complexe.
D'autres ressources sont à l'étude pour l'anode mais le carbone dur reste maître pour le moment.
Un impact environnemental limité
Les matériaux nécessaires pour des batteries NMC ou LFP sont généralement moins abondants et en plus faible concentration que les batteries sodium-ion. Aussi, plus de raffinage est requis, ce qui génère plus de toxicité, en particulier pour le cobalt et le nickel.
Mine de cobalt
Un risque incendie limité
Les batteries sodium‑ion sont plus sûres que les batteries lithium‑ion. Elles peuvent être déchargées jusqu’à zéro volt, ce qui réduit les risques lors du transport et du recyclage, alors que les batteries lithium‑ion sont généralement stockées autour de 30 % de leur charge .
De plus, les électrolytes des batteries sodium‑ion ont un point d’éclair plus élevé, c’est‑à‑dire la température minimale à laquelle ils peuvent s’enflammer au contact de l’air, ce qui diminue le risque d’incendie.
La technologie des batteries sodium‑ion présente ainsi plusieurs atouts : - Une empreinte carbone réduite, grâce à l’utilisation du sodium ; - Une tolérance thermique étendue, facilitant l’usage des véhicules électriques dans les pays nordiques et en hiver ; - Une vitesse de charge plus rapide ; - Un risque d’incendie limité ; - Un coût des matériaux généralement plus faible, en raison de l’absence de cobalt, lithium et graphite.
Les limites de cette technologie
Que pouvons-nous lui reprocher ?
Une densité énergétique limitée
En termes de densité énergétique, la batterie sodium-ion ne fait pas encore le poids face à ses concurrentes, du fait du poids et du volume plus élevé des atomes de sodium.
Pour fournir une même quantité énergétique, il faudra donc une batterie sodium-ion plus lourde et plus imposante. Or, cela peut aussi nécessiter légèrement plus d’énergie pour la transporter.
Une durée de vie inférieure
La durée de vie des batteries sodium‑ion reste pour l’instant souvent inférieure à celle des batteries LFP.
Toutefois, certaines cellules de nouvelle génération revendiquent déjà plusieurs milliers de cycles, ce qui laisse entrevoir qu’elles pourraient à terme devenir aussi durables que les batteries LFP.
Des développements à venir
La densité énergétique pourrait diminuer grâce aux recherches.
C'est le cas des batteries produites par Faradion, société britannique récemment acquise par Reliance New Energy Solar Ltd, et qui utiliserait des anodes à base d'oxydes stratifiés, et dont la densité tend à se rapprocher de celle des batteries LFP (sans pour autant l'égaler).
Cependant, la capacité de ces batteries réduirait dans le temps. Aussi, l'usage de ces batteries ne se destine pas encore réellement à tout type de véhicule électrique. Faradion se concentre sur le stockage stationnaire et le transport léger.
Innover avec l'electrolyte solide et limiter le risque incendie sur les batteries sodium-ion
Les modèles actuels de CATL et Faradion reposent sur des électrolytes liquides, mais des recherches sont actuellement menées pour explorer d’autres architectures.
Et puisque l’objectif est d’inventer une nouvelle génération de batteries, autant chercher à y intégrer d’autres avantages, comme l’adoption d’un électrolyte solide. Sous forme solide, l’électrolyte permet de réduire considérablement les risques de déclenchement d’incendie liés aux fuites ou courts-circuits internes. En comparaison, les batteries lithium-ion classiques à électrolyte liquide présentent un risque d’incendie environ 5 à 10 fois plus élevé que celles à électrolyte solide.
Cette technologie de batterie à électrolyte solide est en cours de développement sur certaines batteries, parfois associée au lithium, par QuantumScape et PowerCo, par Toyota et par CATL. Et il ne serait pas impossible d'associer l'électrolyte solide au sodium.
Batteries sodium-ion CATL
Demain, tous en VE avec des batteries au sodium ?
Bon, il faudra patienter un peu. Nous ne verrons pas dès demain nos concessions automobiles inondées de VE équipés de batteries sodium‑ion, et encore moins de batteries à électrolyte solide.
De nombreux projets, déjà bien avancés, nous permettent d’espérer bénéficier de cette technologie dans quelques années. Pour le moment, les seuls véhicules électriques commercialisés avec une batterie sodium‑ion se trouvent sur le marché chinois. En Europe, il nous faudra donc patienter. Des dates de début de production de masse sont annoncées, mais il existe souvent un écart entre ces annonces et la réalité du marché.
En résumé
Malgré ses atouts indéniables et ses perspectives d’évolution, il est probable que la technologie sodium‑ion ne remplace pas complètement les batteries LFP et NMC, mais qu’elle devienne plutôt complémentaire. Dans cette oasis de véhicules électriques, elle trouverait plutôt sa place dans la petite mobilité électrique à faible autonomie (e‑scooter, trottinette, vélo électrique), les citadines, les utilitaires, les modèles adaptés aux températures extrêmes ou encore certains camions, qui disposent de davantage d’espace pour accueillir ces batteries. La conversion d’un véhicule existant à un modèle à batterie sodium‑ion pourrait être possible, mais l’intérêt d’une telle conversion reste limité.
Le principal atout des batteries sodium‑ion réside dans leur capacité à pallier partiellement les problématiques d’approvisionnement en ressources stratégiques posées par les batteries LFP et NMC, même si cela ne constitue pas une solution universelle. Leur vitesse de charge, leur tolérance thermique et un risque d’incendie plus faible font également partie de leurs avantages. L’électrolyte solide devrait offrir de belles perspectives supplémentaires pour réduire le risque incendie — on vous en parlera bientôt !