La réussite d'Apple fait des envieux. Beaucoup sont ceux qui veulent trouver la recette magique du constructeur californien. Malheureusement, la concurrence a tendance à céder à la facilité, en essayant de trouver des raccourcis sans comprendre vraiment ce qui fait la magie des produits Apple.
iMac : le plastique (coloré), c'est fantastique
À son retour à la tête d'Apple en 1997, Steve Jobs doit marquer les esprits avec un produit radicalement différent. Ce sera l'iMac G3, imaginé par le designer Jony Ive. Avec ses lignes arrondies, son format tout-en-un et surtout sa couleur bleue translucide, il tranche radicalement avec le paysage informatique de l’époque. Chaque détail est conçu pour offrir une expérience à la fois esthétique et plaisante à l’usage.
Pour la première fois, voici un ordinateur que l'on peut montrer dans son salon au lieu de le cacher dans un meuble. Et quelle est la réaction de l'industrie ? Copier la couleur translucide. Pire, HP sortira des ordinateurs sur lesquels on peut clipser des attaches colorées sur ses mêmes tours immondes.
HP n'a retenu les bonnes leçons du succès de l'iMac...
Bill Gates lui-même, en parlant de l'iMac G3, montrera qu'il ne comprend pas réellement ce qui fait de cet ordinateur quelque chose de spécial : La seule chose qu'Apple offre maintenant, c'est le leadership en matière de couleurs. Je ne pense pas qu'il nous faudra longtemps pour rattraper cela.
Ainsi, l'iMac va lancer une mode de la couleur translucide dans toute l'industrie. Mais tout le monde va passer à côté des éléments les plus importants. Une expérience utilisateur de qualité, une facilité d'installation avec un seul câble à brancher, un système totalement pensé pour se connecter à Internet et un ordinateur enfin beau et pas seulement utilitaire.
L'iMac a inspiré tout le monde à la fin des années 90.
Le succès de l’iMac a une influence bien au-delà du monde de l’informatique. Beaucoup de produits vont lui emprunter son design plastique coloré comme des appareils photo (Kodak DC240i Zoom), des haut-parleurs (Pele Apolla Speakers) ou encore des imprimantes (Apollo P2200). Tous ces produits sont sortis en 1999. Comment aussi ne pas aborder les différentes couleurs plastiques translucides de la Nintendo 64, de la Game Boy Color et de la Wonder Swan, clairement inspirées par l’iMac ?
iPod : plus blanc que blanc
Le blanc iconique de l'iPod, à contre-courant de toute la Hi-Fi.
Quelques années plus tard, en 2001, la réaction sera similaire en ce qui concerne l'iPod. Alors que tout le monde regarde ce lecteur MP3 avec un peu de dédain, notamment à cause de sa couleur blanche, de sa molette et de son prix jugé prohibitif, tout le monde est pris de court quand le succès s'accélère.
Il y a beaucoup de leçons à tirer du succès de l'iPod. Par exemple, le fait qu'un écosystème entier autour du lecteur MP3 comme iTunes avec son iTunes Music Store rend l'iPod encore meilleur. Que le fait de limiter les fonctionnalités sur le lecteur pour les mettre sur le logiciel iTunes rend l'iPod plus facile et plaisant à utiliser. Que le fait d'utiliser une connexion FireWire permet de remplir l'iPod entièrement en quelques minutes alors que cela prendrait des heures avec l'USB 1.0. Que le fait d'utiliser la molette permet de faire défiler les morceaux facilement sans appuyer des dizaines, voire des centaines de fois sur des boutons de piètre qualité.
Bref, il y a de quoi s'inspirer. Mais que fait la concurrence ? Ils sortent des lecteurs blancs, avec des écouteurs blancs. Pire, au lieu de faire comme Apple en mettant le plastique blanc derrière une protection translucide, évitant ainsi que le plastique blanc soit rayé, la concurrence met le plastique à nu et ainsi laissant apparaître de grosses rayures dès les premiers instants de manipulation.
Un des nombreux concurrents de l'iPod qui reprend sa couleur.
Aluminium et écrans tactiles
Les design récents d'Apple utilisent grandement l'aluminium et les écrans tactiles. C'est évidemment ce qui va être copié par la concurrence.
Il faut dire que même Apple a fini par se caricaturer elle-même avec des Mac portables toujours plus fin et avec de moins en moins de ports. Jony Ive est sans doute allé trop loin dans ses dernières années à Cupertino.
La MacBook 12 pouces : quand Apple va trop loin avec un seul port (qui permet aussi de le recharger).
À tel point qu'Apple a fini par faire machine arrière. La MacBook 12 pouces, bien que mignon, ne sera pas renouvelé avec son port unique. Le MacBook Pro gagne un port HDMI ainsi qu'un lecteur de carte mémoire. Et les iPhone gagnent des boutons !
Après le bouton action des iPhone 15 Pro, l'iPhone 16 Pro récupère un bouton supplémentaire pour contrôler l'appareil photo.
Toute la presse le présente comme l'appareil photo qui aurait pu être fait par Apple. Il faut dire qu'il reprend tous les codes : tout est simplifié à l'extrême, avec seulement trois boutons, une molette et un déclencheur. De plus, son écran tactile permet d'accéder aux fonctions essentielles comme la vitesse d'obturation ou l'ISO. En rupture donc totale avec la plupart des appareils photo concurrents qui possèdent énormément de boutons.
Les appareils photos ont souvent beaucoup de boutons, dont des sélecteurs rotatifs.
Pour moi, c'est un exemple parfait de ce qui ne faut pas faire. Sigma a tiré les plus mauvaises leçons du succès d'Apple. Toutes les décisions prises ici font du Sigma BF un plus mauvais appareil photo.
Comme pour les Mac, le Sigma BF est sculpté dans un bloc d'aluminium massif : technique appelée unibody chez Apple. Inspiré par l'iPhone, il n'est pas possible d'augmenter l'espace disque par une carte mémoire, le disque dur interne de 230 Go étant jugé comme suffisant. Cependant, avec un capteur plein format et la possibilité de prendre des vidéos en 6k avec 120 images par secondes, cela risque d'être limitant rapidement.
Même la vidéo de présentation ressemble à s'y méprendre à une publicité Apple :
Il ressemble à un appareil photo qu'aurait pu faire Apple, sans doute pour ceux qui aiment plus le design que les appareils photo. Il semble aussi se destiner à ceux voulant un Leica mais n'ayant pas les moyens (2349€ tout de même, sans objectif, mais trois fois moins cher qu'un Leica).
Mais là aussi, l'inspiration venant d'Apple est mal placée. D'abord parce que la simplification à l'extrême en fait un plus mauvais appareil photo. Le fait qu'un viseur optique ne soit pas présent est sans doute rédhibitoire pour la plupart des photographes. Essayer de prendre des photos en regardant un écran dehors en plein soleil... D'autant plus que l'écran LCD est fixe.
Une prise en main difficile et inconfortable.
Autre élément : le corps du Sigma BF est tout sauf ergonomique. C'est une brique aux coins saillants très difficile à prendre en main, d'autant plus avec un objectif de bonne taille. De plus, aucun élément ne permet de limiter le côté glissant de l'aluminium. Un bel appareil photo mais qui n'est pas fait pour prendre des photos...
Vous en voulez encore ? Les rares boutons du Sigma BF sont capacitifs ! Il ne possède pas flash et il est impossible de connecter un micro car il ne possède pas de port jack, là aussi comme l'iPhone.
Mais il faut bien l'admettre, malgré tous ses défauts, le Sigma BF reste magnifique.
Heureusement, la batterie est amovible : pour une fois, le Sigma BF ne s'inspire pas d'Apple. Bref, cet appareil photo n'est pas vraiment fait pour prendre des photos. Il est plus un objet d'art à contre-courant de tous les concurrents qui ajoutent de plus en plus de boutons et molettes.
Et vous, quel produit vous fait penser à Apple tout en passant totalement à côté de la plaque ?