Après son arrestation à Paris, Pavel Durov, le fondateur de Telegram, contre-attaque. Via un message privé envoyé à ses utilisateurs (ceux de Telegram donc), il promeut une interview exclusive avec le polémique Tucker Carlson pour livrer sa version des faits sur son interpellation.
La vidéo est en plus doublée par IA, pour toucher encore plus de monde
Telegram se transforme en outil de promotion
De nombreux utilisateurs de Telegram ont eu la surprise de recevoir un message direct, non pas d'un contact, mais de la plateforme elle-même. Le message, arborant une icône officielle, les invitait à visionner la "première interview vidéo" de Pavel Durov depuis son arrestation en France en août dernier.
Le texte qui l'accompagne donne le ton de l'opération de communication. Il présente Durov comme la victime d'accusations "sans précédent dans le monde" et affirme que les charges initiales ont été "réfutées par des preuves". C'est une offensive médiatique directe, qui utilise l'infrastructure même de Telegram pour diffuser la parole de son fondateur et tenter de contrôler le narratif autour de ses déboires judiciaires.
Le choix de Tucker Carlson, un calcul stratégique
Pour livrer sa version, Pavel Durov n'a pas choisi un journaliste d'une grande chaîne de télévision ou d'un journal de référence. Il a opté pour Tucker Carlson, l'ancien présentateur star de Fox News, devenu une figure du conservatisme américain et connu pour ses positions anti-establishment.
En s'adressant à Tucker Carlson, qui avait déjà interviewé Vladimir Poutine, Durov s'assure une tribune sympathique, voire complaisante. Il évite ainsi toute question potentiellement dérangeante et s'adresse directement à une audience internationale déjà méfiante envers les gouvernements occidentaux. C'est une manière de se positionner non pas comme un PDG face à la justice, mais comme un dissident politique persécuté, une image qu'il cultive depuis ses premiers conflits avec le Kremlin.
Le message reçu sur Telegram
Que reproche vraiment la justice française à Pavel Durov ?
La communication de Telegram parle d'accusations "réfutées", mais la réalité judiciaire est plus complexe. L'arrestation de Pavel Durov à l'aéroport du Bourget le 24 août dernier s'inscrit dans le cadre d'une information judiciaire ouverte en France pour des faits très graves. Après sa garde à vue, le fondateur de Telegram a été mis en examen pour pas moins de 12 chefs d'accusation. La liste est longue et inclut par exemple une complicité dans la gestion d'une plateforme permettant le trafic de stupéfiants, l'escroquerie en bande organisée, la diffusion d'images pédopornographiques, le blanchiment, ainsi qu'un refus systématique de coopérer avec les autorités judiciaires en ne fournissant pas les informations nécessaires aux enquêtes.
Le dilemme de Telegram : liberté ou Far West ?
Cette affaire est l'aboutissement de années de tension entre Telegram et de nombreux États. D'un côté, la plateforme est un outil précieux pour les opposants politiques dans des régimes autoritaires, grâce à son chiffrement et sa promesse de liberté de parole quasi absolue. De l'autre, cette absence de modération et de coopération en a fait un refuge pour toutes sortes d'activités criminelles. Le refus quasi systématique de répondre aux réquisitions judiciaires, au nom de la protection de la vie privée, a placé l'entreprise dans le viseur des services de police du monde entier, qui la considèrent comme une zone de non-droit numérique.
On en dit quoi ?
Ne nous faisons pas avoir. Cette interview n'est pas un exercice de transparence, mais une opération de communication de crise parfaitement exécutée. Pavel Durov ne cherche pas à se défendre devant la justice française, mais à gagner la bataille de l'opinion publique. En choisissant Tucker Carlson, il s'offre un VRP de luxe pour vendre son image de martyr de la liberté d'expression.
C'est une stratégie assez basique pour transformer une affaire de complicité de crimes graves en une noble croisade contre la censure étatique. Il contourne la presse traditionnelle qui l'aurait confronté aux faits pour s'adresser directement à ses fidèles (mise à jour, une interview a aussi été donnée sur Le Point, elle vient d'être publiée en même temps que cet article). La question est maintenant de savoir s'il arrivera à convaincre le monde qu'il est une victime. Vous par exemple, que pensez-vous de cette stratégie de communication ?
