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Ce pays où le législateur est une IA

Par Laurence - Publié le

Après avoir investi massivement dans les technologies d’intelligence artificielle, les Émirats arabes unis franchissent un nouveau cap. Le pays a annoncé vouloir s’appuyer sur l’IA non seulement pour rédiger de nouvelles lois, mais aussi pour réviser et modifier la législation existante. Cette initiative sans précédent à l’échelle mondiale suscite forcément autant de fascination que d’inquiétude.

IA Dubaï
©Mac4Ever 2025


Vers une réglementation 2.0



Présenté comme un projet pionnier par les médias d’État, ce nouveau système législatif se veut être une réglementation pilotée par l’IA. Ce nouveau système changera la façon dont nous créons les lois, rendant le processus plus rapide et plus précis, a déclaré Mohammad bin Rashid Al Maktoum, émir de Dubaï et vice-président des Émirats arabes unis. Il s'agit ici d'accélérer et fiabiliser les processus d'élaboration des normes juridiques, tout en les adaptant en temps réel à la réalité du terrain.

Selon les premières informations, le système reposerait sur une base de données géante, compilant les lois fédérales, locales, les décisions judiciaires et d’autres documents issus de l’administration publique. Jusque là, rien d'anormal, cela peut même être intéressant de compiler ces données. L’intelligence artificielle devrait ensuite analyser cette masse d’informations pour suggérer des mises à jour régulières de la législation, tout en évaluant leur impact sur la population et l’économie. En effet, les autorités espèrent ainsi réduire de 70 % le temps nécessaire à l’élaboration d’une loi.

Ce pays où le législateur est une IA


Des ambitions techniques et géopolitiques immenses



Les Émirats ne sont pas étrangers aux grands projets technologiques à visée stratégique. En plus d’avoir lancé des programmes d’IA ambitieux -dont certains inspirés du modèle chinois Deepseek-, le pays entend désormais devenir une référence mondiale en matière de gouvernance numérique. À ce jour, d’autres pays comme le Japon utilisent également l’IA pour rationaliser l’administration publique, mais aucun gouvernement n’a encore confié à l’IA un rôle direct dans la création ou la modification de lois.

Face à ces annonces, la communauté scientifique reste prudente. Vincent Straub, chercheur à l’université d’Oxford, rappelle que les systèmes d’IA actuels restent sujets à des hallucinations, ces comportements qui peuvent parfois générer des informations fausses ou incohérentes. Nous ne pouvons pas leur faire confiance, affirme-t-il. L’IA pourrait proposer quelque chose de vraiment, vraiment bizarre, qui a du sens pour une machine, mais aucun pour une société humaine, ajoute Marina De Vos, informaticienne à l’université de Bath.

En dehors de tout débat éthique, il reste tout de même un souci lié au manque de transparence du projet. En effet, les EAU n'ont communiqué aucune précision sur le modèle d’IA utilisé, ni sur le rôle des experts humains dans la boucle, ce qui renforce les doutes autour de cette nouvelle forme de législation automatisée.

Une expérimentation sous surveillance



Ce projet place les Émirats arabes unis dans une position de laboratoire mondial de la législation automatisée. Il faut encore attendre pour voir si ce pari technologique se traduira par une amélioration réelle du processus démocratique ou par une nouvelle dérive algorithmique. Il serait encore tôt, mais cela voudrait-il dire qu'un jour, ce sera le bon moment ?