Face aux risques juridiques et à la pression politique, l’École polytechnique a finalement suspende son projet de migration vers Microsoft 365. Une décision importante qui relance le débat sur la souveraineté numérique dans les établissements publics d’enseignement supérieur.
Polytechnique stoppe net sa migration vers Microsoft 365
Sous pression juridique et politique, Polytechnique a mis un coup d’arrêt à son projet de migration vers Microsoft 365. Initialement entamée dans la discrétion, cette bascule vers l’écosystème du géant américain a rapidement suscité une levée de boucliers.
Le Conseil National du Logiciel Libre (le CNLL) a ouvert une procédure précontentieuse, pointant la violation de l’article L123-4-1 du Code de l’éducation, qui impose la priorité au logiciel libre dans l’enseignement supérieur. À cela s’ajoutaient des inquiétudes sur le respect du RGPD et la sécurité des données sensibles, dans un établissement rattaché au ministère des Armées.
Données sensibles et Cloud Act : les risques mal calculés
Le cœur du problème réside dans le transfert des données vers des serveurs soumis aux lois extraterritoriales américaines, comme le Cloud Act ou le FISA. En clair, les services de renseignement américains peuvent y accéder sans préavis. Pour une institution manipulant des données scientifiques et militaires sensibles, c’était un risque difficilement justifiable. L’affaire fait aussi écho à des mises en garde récurrentes, en particulier de la CNIL et de son homologue autrichienne, qui a récemment jugé Microsoft 365 non conforme au RGPD dans l’éducation.
Mobilisation interne et pressions politiques
La suspension du projet n’est pas seulement le fruit de procédures juridiques : elle s’explique aussi par une mobilisation interne des personnels et des chercheurs. Plusieurs élus, dont le député Philippe Latombe, ont interpellé le gouvernement, pour dénoncer une dérive incompatible avec les obligations de cybersécurité.
Le ministère a tenté de minimiser la portée du débat, mais la pression conjointe des acteurs du libre, des médias et du monde académique a rendu toute fuite en avant intenable pour la direction de l’école.
Un précédent qui en dit long
Ce recul marque un précédent symbolique, mais la situation reste préoccupante. De nombreux établissements d’enseignement supérieur, moins exposés médiatiquement, subissent encore des pressions pour basculer vers des solutions propriétaires. Certains enseignants-chercheurs rapportent même des injonctions à abandonner les outils libres. Une tendance qui entre en contradiction frontale avec les textes législatifs, et avec l’exigence croissante de souveraineté technologique.
On en dit quoi ?
Polytechnique donne ici un coup de frein à une dépendance technologique devenue structurelle. Mais l’affaire montre surtout les failles persistantes dans la stratégie numérique de l’enseignement supérieur français. Tant que les cadres réglementaires resteront ignorés ou contournés, et que les alternatives libres ne seront pas sérieusement intégrées dans les feuilles de route des DSI, ce type de conflit est amené à se répéter. Reste à voir si cette suspension sera suivie d’un vrai changement de cap. Vous en pensez quoi vous ?