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Faux sites d’info : la Russie utilise l'IA pour inonder la France de propagande

Par Vincent Lautier - Publié le

Plus de 140 faux sites d'information locale, comme Actu Bretagne ou Sud Ouest Direct, ont été identifiés en France. Pilotés par des réseaux russes et chinois, ils utilisent l'IA pour générer de la désinformation et déstabiliser l'opinion publique, en particulier sur le soutien à l'Ukraine.

Screenshots : France Info
Screenshots : France Info


141 faux médias dopés à l'IA



Si vous tombez sur les sites Normandie-actusinfos.fr ou infosdupays.fr, la méfiance est de mise. Ces sites web empruntent tous les codes de la presse régionale, avec des rubriques faits divers, sport ou business, mais ne possèdent ni journaliste ni rédaction. Un récent rapport du groupe de recherche américain Insikt, corroboré par plusieurs médias dont Radio France, a identifié au moins 141 nouveaux sites de ce type créés en France entre janvier et juin 2025. Ces plateformes sont en réalité entièrement automatisées et génèrent leurs articles par intelligence artificielle. Elles mélangent habilement de vraies dépêches locales avec des contenus de propagande pro-russe, des théories du complot ou des faits divers déformés, mettant souvent en cause des étrangers pour attiser les tensions.

Derrière cette vaste opération de désinformation se cacherait le réseau d'influence russe CopyCop, aussi connu sous le nom de Storm-1516. Selon le rapport d'Insikt, ce réseau serait piloté par John Mark Dougan, un ancien shérif américain exilé à Moscou, et soutenu par des entités russes, dont le GRU (le renseignement militaire). L'essor de l'IA générative a considérablement réduit les coûts de production, permettant de créer en masse ces contenus . Le réseau utiliserait même des versions auto-hébergées et non censurées de modèles de langage (LLM), comme des dérivés de Llama 3, pour produire ses articles et même des deepfakes, allant jusqu'à usurper l'identité visuelle de médias comme France Télévisions.

Les détournements de sites nationaux est aussi un grand classique
Les détournements de sites nationaux est aussi un grand classique


L'info locale : une cible stratégique



La Russie n'est d'ailleurs pas seule sur ce terrain. Un autre rapport, publié par l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (l’IRSEM), détaille un écosystème similaire piloté depuis la Chine. Des sites comme Provencedaily.com, bien que souvent de piètre qualité et remplis d'erreurs de traduction, poussent des contenus favorables aux intérêts de Pékin et de son allié russe. Dans les deux cas, l'objectif est le même : mener une guerre hybride pour fragmenter l'opinion publique, miner la confiance dans les institutions et déstabiliser le gouvernement français, en particulier en raison de son soutien à l'Ukraine. Les élections municipales de 2026 sont clairement en ligne de mire.

Le choix de cibler l'information locale est particulièrement stratégique. Selon un baromètre Kantar, 67% des Français disent avoir confiance dans la presse locale, bien plus que dans les médias nationaux ou les réseaux sociaux. Les opérateurs de désinformation exploitent ce capital confiance, car un lecteur sera moins méfiant face à un fait divers sur Ardennes Info Live que face à une publication sur X ou Telegram. En mélangeant le vrai et le faux, ces réseaux parviennent à éroder lentement le soutien à l'Ukraine et à exacerber les divisions politiques en créant un climat d'insécurité généralisé.

Un autre faux site
Un autre faux site


On en dit quoi ?



L'industrialisation de la propagande via l'IA a de quoi inquiéter. Utiliser la presse locale, souvent le dernier bastion de confiance médiatique pour beaucoup, est une tactique franchement redoutable. Ce qui est notable dans cette affaire, c'est que les groupes qui exposent ces réseaux russes, comme Insikt ou NewsGuard (qui compte d'ex-dirigeants de l'OTAN et de la CIA à son conseil), sont eux-mêmes des acteurs liés à l'influence américaine. On assiste clairement à une guerre de l'information où chaque camp expose les manœuvres de l'autre. Pour le citoyen, coincé au milieu, la seule parade est l'éducation aux médias. Mais c'est un combat vraiment compliqué, face à des armées de sites générés par IA.