Alors que la France prévoit l’implantation de plus de 700 data centers d’ici 2033, une proposition de loi défendue par le sénateur David Ros relance le débat sur la régulation fiscale de ces infrastructures numériques. L’objectif est de mettre en place un cadre et une taxation progressive pour responsabiliser les opérateurs face à leur consommation d’eau et leur impact environnemental.
Une redevance sur l’eau pour les data centers les plus gourmands
Les data centers -qui sont essentiels pour stocker et traiter les données numériques- utilisent d’importantes quantités d’eau pour refroidir leurs serveurs, maintenant des températures comprises entre 18 et 27°C. Selon une étude de l’Arcep et l’ADEME menée en 2022, ces infrastructures ont consommé 482 000 m³ d’eau potable cette année-là, soit une hausse de 20% par rapport à 2021.
Face à cette pression sur les ressources hydriques, David Ros propose d’instaurer une redevance progressive sur le prélèvement et la consommation d’eau. Celle-ci se monterait à 1,53 € par mètre cube pour les data centers les moins gourmands et jusqu’à 3,90 € par mètre cube pour les plus voraces. Cette taxation viserait à encourager l’adoption de solutions de refroidissement plus écologiques, telles que l’utilisation de l’air extérieur ou le refroidissement par immersion dans des liquides non conducteurs.
(extrait de l'étude mise à jour en janvier 2025) : En reprenant les données ADEME-Arcep pour 2020, on considère que les data centers traditionnels correspondent aux catégories « Public Local », « Public National » et « Entreprises » ; les data centers de type Cloud correspondent à « Colocation », et les data centers de type Hyperscale correspondent à la catégorie « HPC ». Pour estimer l’évolution des data centers en France entre 2020 et 2022, on applique la même évolution que les projections faites dans le modèle Masanet. Cela signifie : - Une augmentation de la consommation d’électricité de 2% - Une diminution de 7 points de la part de consommation des data centers traditionnels. - Une augmentation de 6 points de la part de consommation des data centers Hyperscale/HPC
Taxer les nuisances et soutenir les collectivités locales
Au-delà de l’eau, le sénateur propose une autre taxe visant les data centers en tant qu’infrastructures numériques. L’objectif serait de garantir un retour financier aux collectivités locales, souvent peu bénéficiaires de ces investissements massifs.
Malgré des dizaines de milliards d’euros injectés dans le secteur, David Ros souligne que les data centers créent relativement peu d’emplois et peuvent engendrer des nuisances importantes : artificialisation des sols, pression sur le foncier et tensions sur les réseaux électriques Pour une meilleure répartition sur le territoire, il souhaite également encourager l’implantation de ces centres hors de l’Île-de-France, où se concentrent 58% des data centers français, notamment sur le plateau de Saclay.
Valoriser la chaleur fatale et encourager l’innovation
Une autre piste avancée concerne la récupération de la chaleur fatale produite par les data centers. Le but est de réutiliser cette énergie pour chauffer des infrastructures publiques, comme les réseaux de chaleur urbains, les piscines municipales ou encore les hôpitaux et les établissements de santé.
David Ros cite l’exemple du centre aquatique olympique de Saint-Denis, chauffé grâce à la chaleur d’un data center voisin, comme un modèle à suivre. Enfin, le sénateur propose de créer un programme national de recherche et d’innovation dédié aux infrastructures numériques. L’idée serait de renforcer les capacités nationales en favorisant la collaboration entre les data centers privés, les universités, les laboratoires de recherche et les start-ups technologiques. L’idée n’est pas de taxer pour taxer mais de trouver un équilibre entre innovation et responsabilité écologique
Cette proposition de loi s’inscrit dans une dynamique plus large de régulation des géants du numérique et de réduction de l’empreinte écologique du secteur. Toutefois, elle soulève des inquiétudes quant à son impact sur l’attractivité de la France pour les entreprises tech.
Si le texte n’est pas encore finalisé, il devrait être examiné par le groupe socialiste la semaine prochaine. A charge pour le gouvernement -malgré les récents investissements annoncés lors du Sommet de l’IA- de choisir de soutenir cette initiative.