Le bras de fer judiciaire entre Apple et Epic Games semble connaître un curieux détour. En effet, deux organisations professionnelles – TechNet et l’Association of Corporate Counsel (ACC) – ont déposé une quête pour soutenir Apple dans son appel contre une décision de la juge fédérale Yvonne Gonzalez Rogers. Mais la raison est pour le moins étonnante puisqu'elle porte sur la valeur du secret professionnel entre avocats et clients.
Petit rappel des faits (on commence à s'y perdre)
En avril dernier, la juge Gonzalez Rogers avait ordonné à Apple de se conformer pleinement à son injonction de 2021, qui impose d’assouplir les règles de l’App Store pour les développeurs. Dans le même temps, elle avait également refusé la demande de la firme visant à retirer certains documents du dossier, pour des raisons de confidentialité entre un avocat et son client.
Pour la juge, Apple avait eu recours à un stratagème, en ajoutant systématiquement les noms des juristes (en interne) en copie des mails pour tenter de protéger des documents qui relevaient davantage d'affaires commerciales que de conseils juridiques (ndlr : les seconds étant protégés par la confidentialité des échanges contrairement aux premiers). Ajouter le nom d’un avocat à un document ne crée pas une protection, avait alors tranché Gonzalez Rogers.
Oui mais voilà...
Dans leur mémoire, TechNet et l’ACC estiment que cette décision pourrait créer un précédent dangereux pour les entreprises. Drew Hudson, vice-président et directeur juridique de TechNet, met en garde :
Les entreprises risquent de se retrouver dans une logique de conformité aveugle si elles ne peuvent plus compter sur leurs juristes en interne. À défaut, elles se contenteront d’improviser, de chercher des réponses sur Google ou de ne rien faire. C’est néfaste pour le respect des lois et cela accroît les risques de contentieux.
Les organisations soulignent que cette interprétation stricte pourrait avoir des conséquences encore plus lourdes pour les PME, qui n’ont pas les moyens de recourir régulièrement à des avocats externes. Dans un contexte économique tendu, le recours aux juristes internes est souvent vital.
Une affaire à suivre
Les deux organisations demandent donc que la cour d’appel estime que la juge Rogers a eu tort de se baser sur des documents protégés par le secret avocat–client pour évaluer la conformité d’Apple à l’injonction. Les plaidoiries orales sont attendues pour le 21 octobre pour traiter de cette question déontologique ! Car derrière le cas d’Apple, c’est la délimitation du rôle des juristes d’entreprise et la protection du conseil juridique interne qui sont en jeu – un sujet qui dépasse largement le cadre du conflit entre Cupertino et Epic Games.