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Enedis accuse des innocents de fraude au compteur Linky

Par Vincent Lautier - Publié le

Face à l'explosion de la fraude au compteur Linky, Enedis a décidé de muscler sa riposte. Mais cette chasse aux "bidouilleurs" de compteurs, de plus en plus agressive, ferait des victimes collatérales. L'association UFC-Que Choisir alerte sur la multiplication des cas de clients accusés à tort, avec des méthodes jugées brutales et contestables.

Enedis accuse des innocents de fraude au compteur Linky


30 000 contrôles en 2025



Le contexte est tendu. Depuis la crise énergétique de 2022, la fraude au compteur Linky, qui consiste le plus souvent à installer un "shunt" pour dériver l'électricité et ne pas la comptabiliser, a explosé. Enedis estime que 100 000 compteurs ont été trafiqués ces trois dernières années, pour un préjudice de plusieurs centaines de millions d'euros.

Pour endiguer le phénomène, le gestionnaire du réseau a donc décidé d'intensifier massivement les contrôles, passant de 12 000 en 2024 à 30 000 prévus cette année. Surtout, Enedis ne se contente plus de cibler les cas de fraude "certains", mais étend désormais sa traque aux cas "quasi-certains" et "probables", quitte à ratisser un peu trop large.

Enedis accuse des innocents de fraude au compteur Linky


Des baisses de consommation qui n'ont rien de frauduleux



C'est là que le bât blesse. L'UFC-Que Choisir a recueilli plusieurs témoignages de clients qui ont reçu des courriers menaçants d'Enedis, sur la base de "baisses anormales de consommation". Or, ces baisses avaient des explications parfaitement logiques.

L'association cite le cas de Sylvain V., un habitant de la Manche, suspecté de fraude car sa consommation a chuté entre 2021 et 2023. Son explication était simple : la maison, appartenant à sa mère décédée, était tout simplement inhabitée pendant cette période. Malgré la visite d'un technicien qui a constaté que les scellés du compteur étaient intacts, Enedis a maintenu ses accusations et lui a réclamé plus de 1500 euros de redressement.



D'autres cas similaires ont été recensés, avec des baisses de consommation liées à l'arrêt d'une pompe à chaleur ou, comble de l'ironie, à l'installation de panneaux solaires qui a logiquement réduit la consommation sur le réseau. Dans ce dernier cas, ce sont même des agents d'Enedis qui étaient intervenus sur le compteur lors du raccordement.

Enedis accuse des innocents de fraude au compteur Linky


Ne signez rien



Ce qui choque le plus dans ces affaires, c'est la méthode employée par Enedis. Les courriers envoyés sont décrits comme menaçants, et la procédure semble inverser la charge de la preuve : c'est au client, présumé coupable, de prouver son innocence.

Enedis envoie d'ailleurs très rapidement un "bordereau rectificatif" à signer, qui s'apparente à une reconnaissance de dette. L'UFC-Que Choisir conseille donc formellement aux personnes accusées à tort de ne surtout pas signer ce document, car cela pourrait être interprété comme un aveu de culpabilité.

Si Enedis reconnaît de "possibles erreurs" et que le médiateur de l'énergie affirme que la fraude est avérée dans la "quasi-totalité" des dossiers qui lui sont soumis, ces cas d'erreurs manifestes jettent quand même le trouble.

On en dit quoi ?



Si la lutte contre la fraude à l'électricité est un combat légitime, la méthode employée par Enedis est franchement brutale. En élargissant son filet pour attraper plus de fraudeurs, l'entreprise prend le risque de harceler des clients de bonne foi avec des procédures qui peuvent être très anxiogènes.

Avec ces méthodes, la présomption d'innocence bafouée. Il est urgent qu'Enedis revoie ses processus pour mieux distinguer les vrais fraudeurs des simples variations de consommation,  histoire de ne pas jeter l'opprobre sur des innocents. D’autant plus que certaines personnes fragiles, âgées ou isolées risquent de signer un peu vite ces aveux de culpabilité, devant des courriers un peu trop menaçants. La fin ne justifie pas toujours les moyens.