C'est une décision particulièrement explosive que vient de rendre la justice américaine. Elle vient en effet d'autoriser l’entraînement de l’IA avec des œuvres protégées par les droits d'auteurs. Un tribunal fédéral en Californie a accordé aux entreprises d’IA le droit d’utiliser des œuvres protégées par le droit d’auteur pour entraîner leurs modèles. Une victoire inquiétante pour les géants de l’IA, un revers brutal pour les artistes, auteurs, musiciens et éditeurs.
Un pillage légal !
C’est une décision qui pourrait marquer un tournant juridique dans la bataille autour des contenus génératifs. Le juge William Alsup, du tribunal du district nord de Californie, a statué cette semaine que l’utilisation d’œuvres protégées pour l’entraînement d’intelligences artificielles relevait du fair use (usage équitable) dans de nombreux cas.
Cette décision fait suite à une plainte déposée en 2024 par trois auteurs -Andrea Bartz, Charles Graeber et Kirk Wallace Johnson- contre Anthropic, l’entreprise derrière Claude AI. Ils accusaient la firme d’avoir utilisé illégalement leurs ouvrages (et bien d’autres) pour entraîner ses modèles d’IA, en créant notamment des copies numériques de livres imprimés.
Le juge William Alsup
Mais le juge a tranché : convertir des livres physiques en versions numériques à des fins d’entraînement IA est bien un usage équitable, selon lui. Pire encore pour les créateurs, il compare leur plainte à une tentative d’interdire l’enseignement de la rédaction à des élèves sous prétexte que cela nuit à la création littéraire…
La technologie en question est l’une des plus transformatrices que nous verrons au cours de notre vie, a affirmé le juge Alsup, estimant que les auteurs n'avaient pas trop à redire sur le sujet (merci, au revoir...).
Une maigre consolation
Seul point où les demandeurs ont marqué un peu de terrain : la possession de copies piratées reste illégale, même si ces copies n’ont pas été utilisées pour entraîner un modèle IA. Le tribunal prévoit un autre procès pour déterminer les éventuels dommages-intérêts dus par Anthropic sur ce volet.
Ce jugement pourrait devenir un précédent majeur dans les litiges à venir entre artistes et géants de l’IA. En effet, des modèles génératifs comme Claude, GPT ou Midjourney s’appuient sur des millions d’œuvres collectées sans autorisation, qu’il s’agisse de textes, d’illustrations ou de musiques. Or ces modèles sont ensuite commercialisés, sans que les créateurs originaux ne touchent un centime.
L’industrie créative n’est pas la seule à s’inquiéter. Les sites web, les médias en ligne et les éditeurs sont également touchés : les IA peuvent fournir des réponses prêtes à consommer à partir de contenus aspirés sans consultation directe des sources. Cela prive ces sites de revenus publicitaires et nuit à leur visibilité.
Apple joue (relativement) la carte éthique
Contrairement à d’autres acteurs du secteur, Apple a décidé d'adopter une approche plus prudente : la firme licencie des contenus de presse, notamment pour son service Apple News, et aurait aussi acheté des licences à Shutterstock pour entraîner ses IA visuelles, comme celles intégrées à Apple Intelligence.
Mais face à la généralisation des scrapers peu scrupuleux et à l’absence de réglementation claire, les pratiques responsables risquent de peiner à compenser l’impact économique global sur les créateurs de contenu.
Vers un Far West 2.0 ?
Cette décision tombe alors que les grandes entreprises tech multiplient les pressions pour freiner toute régulation de l’IA aux États-Unis. À l’inverse, l’Union européenne tente d’imposer un pacte de développement responsable de l’IA. Apple, paradoxalement, ne ferait partie d’aucune de ces initiatives.