Une enquête édifiante du Monde nous plonge dans les entrailles de iPhone City à Zhengzhou, en Chine. Derrière la production de masse de l’iPhone 17 Pro Max se cache une armée d’ouvriers saisonniers, recrutés à coup de primes éphémères et remerciés une fois les stocks de Noël assurés. Analyse d'une mécanique industrielle où la précarité est orchestrée pour servir la rentabilité.
Photo : GILLES SABRIÉ POUR « LE MONDE »
Le piège des primes à la signature
Le modèle économique de Foxconn, principal assembleur d'Apple, repose sur une flexibilité extrême qui frôle le cynisme. Comme le détaille le reportage, le salaire de base proposé aux ouvriers est dérisoire : 2 100 yuans, soit environ 255 euros par mois. Pour rendre le poste attractif, l'usine mise tout sur un système de bonus conditionné. En période de pointe, en particulier en août pour préparer la sortie des nouveaux modèles, cette prime peut grimper jusqu'à 9 800 yuans (près de 1 200 euros), mais elle n'est versée qu'après trois mois de présence effective.
C'est là que réside toute la stratégie : attirer une main-d'œuvre massive pour le rush de l'automne, puis laisser les effectifs fondre naturellement dès novembre, lorsque les commandes d'Apple diminuent. Une fois la prime touchée, le salaire redevient insuffisant et les ouvriers partent d'eux-mêmes. Foxconn éviterait, du coup, de payer des indemnités de licenciement ou de gérer l'ancienneté, transformant les ouvriers qualifiés en simples saisonniers de la tech.
Photo : GILLES SABRIÉ POUR « LE MONDE »
Une répétition industrielle déshumanisante
Sur les lignes d'assemblage de l'iPhone 17 Pro Max, la réalité décrite par Le Monde est celle d'une robotisation humaine. Les témoignages recueillis sur place décrivent des tâches d'une monotonie absolue. Un ouvrier raconte répéter le même geste de vissage environ 1 300 fois par jour pour fixer le processeur central. La pénibilité psychologique est telle que beaucoup ne restent que pour l'argent rapide du bonus.
La vie à Zhengzhou s'organise autour de cette temporalité. Les dortoirs se remplissent et se vident au rythme des keynotes de Tim Cook. Ce système arrange tout le monde sur le papier : Apple dispose d'une capacité de production élastique sans assumer la responsabilité sociale directe des employés, alors que Foxconn optimise ses coûts de main-d'œuvre à l'extrême. Sauf que voilà, pour les travailleurs, cela signifie une absence totale de perspective professionnelle et une vie personnelle mise entre parenthèses le temps d'un trimestre.
Le déclin progressif de iPhone City
Si ce système a fait la fortune de la région du Henan pendant une décennie, la machine commence à se gripper. L'âge d'or où l'usine employait 300 000 personnes en permanence semble révolu. Aujourd'hui, les effectifs ont fondu de moitié, tournant autour de 150 000 ouvriers. Cette baisse s'explique par deux facteurs majeurs : l'automatisation croissante des lignes de production et la stratégie de diversification géographique d'Apple.
Vous le savez, la firme de Cupertino cherche activement à réduire sa dépendance à la Chine, surnommée le piège chinois. Désormais, environ 20 % de la production d'iPhone est réalisée en Inde. Cette délocalisation progressive, couplée à une automatisation accrue, laisse des traces visibles à Zhengzhou : dortoirs vides, commerces de proximité en faillite et une économie locale qui peine à tenir malgré les efforts des autorités pour soutenir le géant taïwanais.
On en dit quoi ?
Ce reportage du Monde met en lumière une réalité souvent invisible pour le consommateur final : notre soif de technologie de pointe repose sur une gestion des ressources humaines calquée sur le travail agricole saisonnier. Le modèle est d'une efficacité redoutable pour Apple, qui parvient à maintenir ses marges tout en diluant sa responsabilité éthique via la sous-traitance. Mais il montre aussi ses limites géopolitiques.
La Chine n'est plus l'atelier unique et inépuisable du monde, mais la transition vers l'Inde ou le Vietnam ne changera probablement pas la structure même de ce business model fondé sur la précarité. Pour comprendre toute la finesse de ces mécanismes humains et économiques, on vous conseille vivement de lire l'enquête complète sur lemonde.fr.