Le procès de Meta, maison mère de Facebook, s’est ouvert lundi à Washington dans une salle comble. L'enjeu est de taille et porte sur les rachats d’Instagram et WhatsApp, accusés d’avoir servi à étouffer des concurrents potentiels. Dès la première journée, c’est Mark Zuckerberg en personne qui a été auditionné pendant trois heures, confronté à ses propres mots prononcés en coulisses il y a plus de dix ans.
Quand Instagram menaçait Facebook
À la barre, le patron de Meta a dû commenter plusieurs échanges internes présentés par l’avocat principal de la Federal Trade Commission, Daniel Matheson. Dans un e-mail daté de 2012, Mark Zuckerberg qualifiait l’ascension d’Instagram de vraiment effrayante, évoquant la crainte que Google ne s’en empare ou que l’application ne devienne une alternative trop sérieuse à Facebook sur mobile.
Dans d’autres courriels, il évoquait sans détour l’idée de racheter Instagram pour, in fine, freiner son développement. En ne tuant pas leurs produits, nous évitons que tout le monde nous déteste, écrivait-il alors, tout en suggérant de canaliser les futures innovations vers les produits maison comme Facebook Camera.
Malgré ces extraits explicites, Mark Zuckerberg a tenté de relativiser la menace qu’Instagram représentait à l’époque. Interrogé sur la concurrence directe entre les deux plateformes pour connecter les amis entre eux -la mission fondatrice de Facebook- le CEO a répondu : Pas à ma connaissance, cherchant à désamorcer l’argument principal de la FTC.
Mais pour l’autorité américaine de la concurrence, le constat est clair. Meta aurait volontairement racheté Instagram pour neutraliser une menace grandissante, plutôt que de la concurrencer. Meta a décidé que la concurrence était trop rude, a résumé Daniel Matheson, et qu’il valait mieux acheter que perdre.
Ce procès, qui devrait durer huit semaines, pourrait avoir des répercussions considérables. En cas de défaite, Meta pourrait être contrainte de se séparer d’Instagram et de WhatsApp, deux piliers de sa stratégie mobile et sociale. La défense de Meta, portée par l’avocat Mark Hansen, s’attache à démontrer que ces acquisitions ont été des réussites pour les utilisateurs, en permettant aux deux apps de se développer grâce à des investissements massifs.
Ironie du sort, la procédure actuelle trouve son origine dans une plainte déposée en 2020, sous l’administration Trump. Elle est devenue un symbole des tensions croissantes entre Washington et les géants de la tech, soupçonnés d’abuser de leur position dominante pour verrouiller le marché.
Mark Zuckerberg doit à nouveau comparaître aujourd'hui, car l’enjeu est énorme : convaincre que son empire social s’est bâti sur l’innovation et non sur l’élimination stratégique de ses rivaux.