Gérald Darmanin, ministre de la Justice, a évoqué devant le Sénat la suppression de l’argent liquide pour lutter contre les trafics de drogue. Une idée choc, vite abandonnée, mais révélatrice des tensions autour de la traçabilité des paiements et de l’usage persistant du cash en France.
Petit ange parti trop tôt
Une sortie choc sur fond de lutte contre le trafic de drogue
Gérald Darmanin a donc surpris tout le monde en proposant la suppression de l’argent liquide en France. Devant la commission d’enquête sénatoriale sur la délinquance financière, le ministre de la Justice a affirmé que "la fin de l’argent liquide empêcherait les points de deal", ciblant directement les trafics de drogue. Selon lui, l’anonymat permis par le cash alimente les réseaux criminels. Il juge la mesure "assez simple" pour compliquer la tâche des trafiquants, en imposant une traçabilité systématique des transactions. Si cette idée peut paraître radicale, elle s’inscrit, pour le ministre, dans une logique de contrôle accru des flux financiers illicites.
Paiement traçable contre finance souterraine
Darmanin ne prétend pas qu’une telle mesure mettrait fin au trafic de stupéfiants. Il admet que la drogue continuerait à circuler, mais insiste sur l’intérêt de rendre l’argent traçable, comme c’est déjà parfois le cas avec les cryptomonnaies. En supprimant les paiements anonymes, le ministre estime que le blanchiment deviendrait bien plus complexe. L’idée rejoint d’autres initiatives internationales pour limiter l’usage du cash, mais elle soulève aussi d’importantes questions pratiques, et bien sûr politiques.
Des Français encore très attachés aux espèces
Sur le papier, l’argument sécuritaire peut faire sens. En pratique, il se heurte à un attachement culturel et pratique fort des Français pour le liquide. Selon la Banque de France, en 2024, 60 % des citoyens jugent important de pouvoir payer en espèces, même si la carte bancaire (Apple Pay compris) est désormais le mode de paiement majoritaire (62 %, contre 14 % pour le cash). Le cash reste perçu comme un outil de liberté, d’anonymat et de maîtrise budgétaire.
Supprimer les pièces et billets toucherait aussi les populations les plus fragiles et les petits commerces, qui n’ont pas toujours les moyens d’une numérisation complète. Sans compter les chauffeurs de taxi qui finiraient tous par faire une syncope (pardon d’avance pour cette petite remarque acerbe). Cela étant dit, pas de panique, Gérald Darmanin a reculé sur sa proposition de la veille.
"On ne le fera pas", a-t-il déclaré ce matin sur RTL, invoquant une absence de majorité politique pour soutenir une telle mesure. Il reconnaît également que la suppression du cash poserait trop de difficultés pratiques, en particulier pour les commerçants de proximité. Si la proposition a eu le mérite d’ouvrir le débat, elle montre surtout la tension croissante entre sécurité publique et libertés individuelles à l’heure de la dématérialisation.
