Le programme américain Internet for All, doté de 42,5 milliards de dollars, devait à l’origine financer principalement le déploiement de la fibre optique dans les zones mal couvertes. Mais sous l’impulsion du département du Commerce, ce projet est en train de prendre une nouvelle direction. L’objectif ? Une approche technologiquement neutre, qui ouvre la porte à des financements bien plus conséquents pour les fournisseurs d’internet par satellite, dont Starlink, le service de SpaceX.
Un conflit d’intérêts qui pose question
Jusqu’ici, Starlink était censé récupérer environ 4 milliards de dollars du programme. Mais avec cette refonte, ce montant pourrait grimper entre 10 et 20 milliards de dollars. Autant dire que la décision fait grincer des dents chez les opérateurs télécoms traditionnels, qui misaient sur ces fonds pour accélérer le déploiement de la fibre optique classique.
Évidemment, ce virage en faveur du satellite n’est pas anodin, et certains y voient un autre coup de pouce indirect à Elon Musk. Starlink a parfois eu des difficultés à obtenir des financements publics aux États-Unis, notamment parce que ses services sont jugés plus instables et moins performants que la fibre. En 2022, la FCC (l’organisme qui régule les télécoms aux États-Unis) avait d’ailleurs annulé une subvention de 885 millions de dollars qui lui avait été accordée dans le cadre du programme Rural Digital Opportunity Fund, en raison de performances jugées insuffisantes et d’un manque de transparence sur ses capacités réelles.
Mais avec ce nouveau cadre, Musk se retrouve en position de force pour capter une énorme part des financements publics. Le problème ? Il est à la fois juge et partie. On ne vous apprend rien si on vous rappelle que l’homme d’affaires possède non seulement Starlink, mais aussi Tesla et X, et ses relations avec le gouvernement américain sont de plus en plus visibles. Musk est en particulier en contact direct avec Howard Lutnick, le secrétaire au Commerce derrière cette réforme, et défend activement ses propres intérêts à Washington.
Internet par satellite : une vraie alternative ou un plan B ?
Le vrai débat, c’est la pertinence de privilégier les satellites par rapport à la fibre. Certes, Starlink peut fournir une connexion là où personne n’a encore installé de réseau, et ça fonctionne globalement très bien, Didier pourra vous le confirmer, mais la technologie reste limitée. Le service est plus cher, moins stable, et soumis à des congestions aux heures de pointe.
Pendant ce temps, les fournisseurs de fibre et de 5G fixe (comme Verizon ou T-Mobile) continuent de déployer des offres moins coûteuses et plus performantes. Certains experts estiment que ce changement de cap pourrait ralentir l’ambition initiale du programme Internet for All, qui visait à offrir une connexion fiable et durable aux zones mal desservies.
Si la réforme se confirme, Starlink pourrait devenir le plus gros bénéficiaire des fonds publics dédiés au haut débit aux États-Unis. Un joli tour de passe-passe pour Musk, qui continue de capitaliser sur les décisions gouvernementales pour renforcer son empire technologique. Reste à voir si cette nouvelle approche tiendra ses promesses, ou si elle profitera surtout à l’homme d’affaires le plus influent (et controversé) du moment.
