Meta vient de mettre fin au contrat de plus de 2 000 modérateurs européens employés par Telus Digital. Cette décision ne manque pas de s'interroger sur l’avenir de la modération de contenus sur Facebook, Instagram et WhatsApp dans l’Union européenne, à l’heure du renforcement du cadre réglementaire avec le DSA.
Hier, jeudi 3 avril, les salariés européens de Telus Digital (en Espagne) ont découvert leur licenciement en tentant de se connecter à leur poste de travail. Un message laconique leur indiquait qu’ils pouvaient rester chez eux, et ce, sans autre forme de préavis.
L’information dévoilée par Le Monde concerne environ 2 000 personnes, soit près de la moitié des modérateurs en charge des langues européennes selon les documents fournis par Meta à la Commission européenne dans le cadre du Digital Services Act (DSA).
De son côté, Meta affirme qu’il ne s’agit pas d’une réduction des capacités de modération, mais d’une réorganisation interne des équipes, réparties entre différents sites partenaires. L’entreprise n’a cependant pas précisé si un nombre équivalent de modérateurs continuerait à traiter les contenus européens, ni où ces effectifs seraient relocalisés.
Telus Digital, sous-traitant historique de Meta pour la modération de contenus, n’a de son côté pas commenté publiquement la situation. L’entreprise avait déjà fait l’objet de critiques pour ses conditions de travail : en 2022, l’inspection du travail espagnole l’avait condamnée à une amende de 41 000 euros pour risques psychosociaux.
Des inquiétudes croissantes sur l’application du DSA
Cette vague de licenciements intervient alors que le DSA impose aux grandes plateformes des obligations accrues en matière de modération, de transparence algorithmique et de lutte contre les contenus illégaux.
La suppression massive de modérateurs suscite donc des interrogations légitimes quant à la capacité de Meta à se conformer aux exigences européennes, notamment en matière de traitement rapide des signalements, de protection des mineurs ou de lutte contre la désinformation.
Ce désengagement apparent s’inscrit également dans un virage idéologique assumé par Mark Zuckerberg, qui a déclaré vouloir revenir à une interprétation plus large de la liberté d’expression. Depuis, le groupe a mis fin à plusieurs initiatives de fact-checking (préférant le système des notes de communautés) et relâché ses politiques sur les discours discriminatoires, notamment aux États-Unis.
Dans le contexte actuel, certains y voient déjà une volonté de se rapprocher des lignes politiques défendues par Donald Trump, en opposition aux politiques inclusives ou de régulation mises en place par les autorités européennes.