Les projets des constructeurs européens visant à relocaliser la production de batteries électriques ne manquent pas. Mais, dans les faits, où en sont ces projets ? À travers le projet de mégafactory de Douai, Renault s'engage à transformer l'industrie automobile européenne... tout en s'appuyant -notamment- sur des partenaires asiatiques pour sa production de batteries.
L’Europe a renforcé ses barrières à l’importation de véhicules électriques en augmentant les droits de douane afin de, contraindre, ou inciter, les constructeurs européens à investir dans leurs propres technologies.
Actuellement, le marché de production de batteries de VE est principalement dominé par la Chine et la Corée, autant sur l'extraction des matières premières, que sur la fabrication ou les avancées technologiques. Malgré cela, au mondial de l’Auto 2024 qui s’est tenu à Paris, des acteurs chinois comme BYD, Xpeng et MG étaient bien présents.
Le projet de Renault, de transformer et moderniser la manufacture de Douai, en France, en mégafactory s’inscrit dans cette dynamique. La Renault R5 e-tech, que nous avons testée, et qui est assemblée dans cette usine a été sacrée voiture européenne de l’année (avec l’Alpine électrique) au salon automobile de Bruxelles en 2024.
D'ici 2030, ce projet devrait créer 2 500 emplois et l'usine de production de batteries électriques a annoncé l'objectif d'atteindre une production de 30 GWh/an.
Manufacture de Douai - Renault Group
Mais quelles sont les perspectives pour cette mégafactory en termes de capacité de production, de partenariats stratégiques et d’innovations technologiques ? Sera-t-elle un levier clé pour renforcer la production locale de batteries et réduire la dépendance européenne vis-à-vis des importations asiatiques, principalement en provenance de Chine et de Corée ?
Renault produira ses propres batteries sur la mégafactory ?Pas vraiment.
Sur la megafactory de Douai, Renault agit en partenariat avec Envision AESC, une entreprise sino-japonaise, qui produira des batteries pour les véhicules électriques de Renault, notamment la R5 électrique.
Actuellement, Renault produit-elle une partie de ses propres batteries ?
Si certains commerciaux et techniciens Renault nous affirment ne pas savoir réellement où sont produites les batteries, d’autres nous ont affirmé que « les batteries des VE Renault sont totalement produites par Renault ». Et ils étaient sûrs d’eux.
Pourtant, après quelques recherches, on trouve les informations suivantes :
- Les batteries des Renault Zoe sont produites à Flins en France dans l’usine de Renault. Cependant, Renault n’assemble pas les cellules de batteries mais y gère l’assemblage des modules et des packs de batteries. - Renault s’approvisionne en partie chez LG, entreprise sud-coréenne, deuxième fournisseur mondial de batteries. - Renaut utilisera bientôt les batteries produites par l’entreprise Envision AESC (qui, pour rappel, viendra s’implanter sur le site de Douai), fabriquées en Europe et notamment au Royaume-Uni. Envision a notamment acquis l’activité batterie de Nissan.
A savoir, un pack de batterie est constitué des systèmes de gestion de la batterie (BMS), de la protection contre la surchauffe, parfois des systèmes de refroidissement, et surtout, des différents modules. Ces modules sont eux-mêmes constitués de plusieurs cellules groupées ensemble, qui sont, les unités de base de la batterie.
Batterie d'une Renault Zoe
Où en est la production européenne de batteries électriques ?
Ce partenariat entre Envision AESC et Renault montre que les constructeurs européens, comme Renault, peinent à atteindre une pleine souveraineté en matière de production de batteries. Pour répondre à la hausse des droits de douane sur l’importation de batteries chinoises, les constructeurs privilégient des solutions partenariales, souvent en collaborant avec des acteurs asiatiques pour produire localement en Europe, tout en ne maîtrisant pas encore entièrement le processus de fabrication.
C’est également le cas de Stellantis, qui a acquis 20 % de Leapmotor en 2023 et a pris le contrôle majoritaire (51 %) de la coentreprise Leapmotor International, dédiée à la distribution et à la vente des véhicules Leapmotor hors de Chine. Si les modèles T03 et le SUV C10 restent importés de Chine pour l’instant, Stellantis pourrait à terme envisager leur assemblage en Europe pour répondre aux exigences du marché local.
Leapmotor C10
Si le projet de megafactory de Renault devrait contribuer à accélerer la recherche et créer de nouvelles avancées pour l’enseigne dans le secteur de l’électrique, les partenariats annoncés pourraient laisser à penser que la production de batteries, en tant que telle, sera toujours gerée par des sous-traitants.
Quelques perspectives de production de cellules de batteries en France
Renault investit tout de même dans la recherche et le développement pour créer des technologies innovantes et améliorer les performances des batteries qu'elle utilise, dans le technocentre de Guyancourt et dans l’Institut de la Mobilite Durable situé à Boulogne-Billancourt, se concentrant sur les batteries lithium-ion, les batteries à l’état solide et le recyclage des batteries.
A travers des partenariats entre LG Energy Solution et sa filière Ampère, Renault semble aussi se tourner vers la technologie LFP, moins coûteuse à produire et étant encore sur le banc d’essai.
Les batteries à electrolyte solide, contenant un matériau solide en lieu et place du solvant organique habituel, ont un risque d’inflammation moins élevé que les batteries à electrolyte liquide.
Comparaison d'une batterie dite traditionnelle, à électrolyte liquide, et d'une batterie à l'état solide
Technocentre Renault de Guyancourt
Même si aujourd'hui, Renault ne produit pas ses propres batteries, à travers un partenariat avec Verkor, une start-up francaise, le constructeur pourrait tout de même participer à relocaliser une partie de sa fabrication.Renault a signé un accord avec Verkor pour produire des batteries haute performance à partir de 2026. Comme son nom l’indique, Verkor est située en Auvergne-Rhone-Alpes, son siège social se trouvant à Grenoble. Cependant, contrairement à Envision AESC, Verkor ne construira pas d'usine sur le site de Douai mais fournira à Renault des batteries issues de sa propre usine, située à Dunkerque, dans les limites de ses capacités de production. Verkor annonce produire des batteries cylindriques de technologie lithium-ion, l’une des technologies les plus communément utilisées aujourd’hui dans les batteries de VE.
Projet de construction d'une gigafactory Verkor à Dunkerque
Batteries cylindriques
Ainsi, les projets de fabrication de batteries d'origine 100 % européenne peinent encore à égaler la maîtrise et la capacité de production des concurrents asiatiques. Renault en est l'exemple en adoptant une stratégie basée sur des partenariats avec des sous-traitants, parfois asiatiques, parfois européens, pour accélérer la transition électrique tout en répondant aux exigences des réglementations européennes.