L'Union Européenne s'apprête à statuer sur une nouvelle catégorie "E-Car" pour démocratiser les petits véhicules électriques. François Provost, patron de Renault, pose ses conditions : si l'UE accepte un moratoire sur les nouvelles normes de sécurité, les prix des R4, R5 et Twingo pourraient chuter de 10 à 15%.
François Provost, PDG de Renault Group
Le paradoxe européen selon Renault
Le constat de François Provost est sans appel : le marché automobile européen est dans une impasse. Les gens ne peuvent pas acheter de voitures, car les revenus ne suivent plus la hausse des prix dictée par les normes de décarbonation. Ce paradoxe a une conséquence directe : le parc automobile vieillit dangereusement, atteignant 12,5 ans de moyenne d'âge. Résultat, la décarbonation réelle est freinée, car les véhicules anciens, plus polluants et moins sûrs, restent sur la route. L'industrie automobile européenne se retrouve pénalisée par des règles qu'elle est censée promouvoir, incapable d'écouler sa production auprès d'un public qui n'en a plus les moyens.
La "E-Car" pour sauver le marché
Pour contrer ce phénomène et résister à la vague chinoise, l'Europe envisage de créer une catégorie spécifique de petits véhicules électriques, à l'image des Kei-cars japonaises. Renault soutient cette initiative, à condition qu'elle soit réservée aux modèles 100% électriques et qu'elle s'accompagne d'un changement de logique réglementaire. Le groupe français, via sa filiale Ampere, vise une réduction des coûts de production de 40% sur ses petits modèles. La nouvelle Twingo a déjà atteint 25% de cet objectif, mais pour aller plus loin, Renault demande à Bruxelles de lâcher du lest.
Un gel des normes contre une baisse des prix
La demande de Renault est précise : un gel de 10 à 15 ans sur l'application des nouvelles réglementations de sécurité pour cette future catégorie. Il ne s'agit pas de supprimer les normes existantes, mais de stopper l'inflation réglementaire constante, avec 107 nouvelles règles prévues d'ici 2030. Selon Provost, les ingénieurs passent actuellement plus de temps à adapter les véhicules aux nouvelles exigences annuelles qu'à chercher des optimisations de coûts. Libérer ces ressources permettrait de se concentrer sur l'essentiel : réduire le prix de fabrication.
On en dit quoi ?
Le coup de pression de Renault sur Bruxelles est un mouvement stratégique mais assez logique. L'Union Européenne est prise à son propre piège, schizophrène entre son ambition de décarbonation et son obsession pour la réglementation sécuritaire, qui transforme la moindre citadine en vitrine technologique coûteuse. Si l'Europe veut réellement voir émerger une offre de petites voitures électriques "Made in Europe" accessibles, elle devra probablement accepter de revoir son calendrier normatif. Sans ce moratoire, elle laisse un boulevard aux constructeurs chinois, qui n'ont pas les mêmes contraintes et qui saturent déjà le marché d'entrée de gamme. La balle est donc dans le camp de l'UE (comme souvent).