Développée en 21 mois à Shanghai, la future Twingo électrique incarne le virage stratégique de Renault. Objectif : réduire les coûts, accélérer les délais et adopter les méthodes chinoises sans délocaliser l’ingénierie européenne.
Renault relance la Twingo à la sauce chinoise
Le 6 novembre, Renault dévoilera sa nouvelle Twingo électrique, annoncée à moins de 20 000 euros. Derrière ce prix d’appel, c’est surtout un changement de méthode qui retient l’attention : pour la première fois, le constructeur a confié une large part du développement à son antenne chinoise ACDC, ouverte à Shanghai en 2023.
Ce centre de 170 personnes, dont une dizaine d’expatriés, a été chargé de concevoir le modèle en collaboration avec une trentaine de sous-traitants locaux. Résultat : un développement bouclé en 21 mois. Du jamais vu chez Renault, qui, en général, peine à suivre le rythme imposé par les marques chinoises.
Renault Group dans la ville de Hangzhou
S’inspirer sans délocaliser l’ingénierie
Officiellement, il ne s’agit pas d’une délocalisation, mais d’un exercice de « co-création ». Les ingénieurs chinois ont travaillé sous supervision française, en s’appuyant sur une base technique issue de la Renault 5. Renault veut importer ces nouvelles pratiques en Europe : travail en parallèle plutôt qu’en cascade, décisions rapides, délais compressés. Le projet Twingo sert de modèle. Deux autres citadines suivront : une Dacia et une Nissan, toutes deux également développées à Shanghai. Renault assure quand même, peut-être pour ne pas trop inquiéter autorités françaises et syndicats, que cette externalisation restera limitée à certains segments ciblés, sans remettre en cause le rôle du Technocentre de Guyancourt.
La Chine, levier de réduction des coûts
Au-delà du gain de temps, la Chine permet à Renault de faire baisser drastiquement ses coûts. Pour la Twingo, 46 % de la valeur des pièces provient de fournisseurs chinois. Certaines seront produites localement, d’autres rapatriées en Europe. Renault a déjà lancé des appels d’offres sur 64 composants en 2024, avec une baisse moyenne de 29 % sur les prix. Cette année, 124 nouvelles pièces sont concernées. L’objectif n’est pas de tout transférer en Chine, mais d’introduire plus de concurrence pour bousculer les fournisseurs historiques, souvent jugés trop chers ou trop lents. Une approche qui fera forcément mal à l’emploi local en France.
L'implantation de Renault en Chine est stratégique, autant pour le développement des modèles, que pour la vente sur le marché colossal chinois
Un équilibre stratégique difficile à tenir
L’approche de Renault peut quand même sembler un peu schizophrène : le groupe milite pour plus de contenu local en Europe tout en renforçant ses liens avec l’écosystème chinois. Officiellement, 5 % des achats sont réalisés en Chine, un chiffre qui ne devrait pas trop évoluer. Mais le constructeur assume une stratégie d’hybridation : apprendre vite, réduire les coûts et rester compétitif, tout en affirmant son ancrage européen. En parallèle, la coentreprise Horse Powertrain avec Geely et Aramco cherche à gagner le leadership mondial du moteur thermique. Renault ne mise clairement pas tout sur l’électrique, ni tout sur l’Europe.
On en dit quoi ?
Avec la Twingo, Renault marche sur une ligne de crête. D’un côté, le constructeur adopte des méthodes chinoises plus efficaces, de l’autre, il tente de rassurer son écosystème européen. La promesse : vitesse, compétitivité et souveraineté. Mais à long terme, maintenir cet équilibre entre performance industrielle et responsabilité sociale pourrait être assez compliqué.
Si l’expérimentation Twingo est un succès, les appels d’air vers la Chine risquent de se multiplier, et la tentation sera grande d’y mettre encore plus de billes. Reste à savoir si les ingénieurs français suivront le mouvement, ou s’ils y verront une lente érosion de leur rôle dans la chaîne de valeur.