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Amazon détourne-t-elle la loi française avec ses lockers ?

Par Laurence - Publié le

Amazon est une nouvelle fois dans le viseur des autorités françaises. Le souci porte cette fois sur l'interprétation -contestée- de la loi sur l’économie du livre, qui impose depuis octobre 2023 un minimum de 3 euros de frais de port pour toute commande de livres neufs expédiés à domicile.

En effet, le Médiateur du livre, autorité publique indépendante, accuse le géant américain de contourner cette obligation en proposant à ses clients de retirer leurs livres dans des casiers automatisés. Quant à lui, le groupe estime que cette méthode est tout à fait conforme à la législation...


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Un conflit d'interprétation



Adoptée pour protéger les librairies indépendantes, la loi française dispose que le tarif minimum d'une livraison ne s’applique pas si le livre est retiré dans un commerce physique vendant des livres. Et c'est là que le bat blesse : Amazon soutient que ses lockers remplissent cette condition, car ils sont installés dans des lieux publics accessibles.

Mais dès février, le Médiateur du livre avait rejeté cette lecture, estimant que les casiers ne peuvent pas être assimilés à un point de vente physique. La livraison gratuite ne s’applique donc, selon lui, qu’aux retraits dans des lieux exerçant une activité de librairie, comme un supermarché disposant d’un rayon livre.

Aujourd'hui, il n'y a toujours pas d'accord, chacun restant sur sa lecture du texte. L'enjeu est assez conséquent ! Dans son avis rendu hier, le Médiateur estime qu'environ un tiers (voire davantage) des milliers de points de retrait gratuit qu’elle propose à ses clients sont concernés par ce dispositif, ce qui constitue un défi majeur à la mise en œuvre de la loi.

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Vers un affrontement juridique et européen ?



Le conflit prend désormais une tournure politique. En décembre, la ministre de la Culture Rachida Dati avait déjà dénoncé un contournement de la législation, promettant une réaction. Le Syndicat de la librairie française (SLF), quant à lui, accuse la firme US d’une stratégie de vente à perte visant à affaiblir les libraires. Forcément, Amazon dénonce une lecture biaisée du droit applicable dans les avis rendus par le Médiateur.

L’échec de la médiation ouvre désormais la voie à une action en justice. Par ailleurs, la Cour de justice de l’Union européenne doit prochainement se prononcer sur la compatibilité de la loi française de 2021 sur l’économie du livre avec le droit européen. En effet, Amazon affirme que cette loi viole les règles du marché unique en restreignant la liberté de concurrence. Pour la France, il s’agit de défendre un modèle culturel et économique unique, où le livre n’est pas une marchandise comme une autre. Le pays revendique une forme d’exception culturelle pour soutenir ses libraires indépendants.

Dans tous les cas, ce conflit d'interprétation intervient dans un contexte morose pour le secteur. Les perspectives pour 2025 sont tout aussi incertaines, renforçant l’inquiétude des professionnels face à la pression croissante exercée par les géants du numérique.


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