Shueisha, l'éditeur de One Piece et Bleach, utilise un appareil photo moyen format de 150 mégapixels pour numériser ses originaux de manga avant qu'ils ne disparaissent à jamais.
Un patrimoine en danger
On ne le sait pas forcément, mais les dessins originaux de manga sont particulièrement fragiles. Les illustrations en couleur réalisées depuis les années 1980 utilisent des encres à base de colorants extrêmement sensibles à la lumière UV. Résultat : elles se dégradent rapidement, parfois de façon irréversible. Côté pages noir et blanc, les trames utilisées pour créer les effets de gris demandent une précision de capture exceptionnelle pour être correctement reproduites. Face à ce constat, Shueisha a lancé en mars 2021 son projet Manga-Art Heritage avec un objectif clair : sauvegarder ce patrimoine culturel avant qu'il ne soit trop tard.
Pour mener à bien cette mission, l'éditeur japonais s'est tourné vers Phase One et son système iXH 150MP. On parle ici d'un capteur moyen format de 151 mégapixels avec une dynamique de 15 stops, capable de capturer les détails les plus fins. Avant ce passage au moyen format, Shueisha utilisait des scanners classiques qui ne parvenaient pas à reproduire fidèlement les tons légers et les couleurs douces. M. Koyanagi, responsable du projet chez Shueisha, est formel : après le passage à Phase One, ces problèmes ont été résolus presque instantanément. Le système capture même la texture du papier, ce qui permet de préserver l'intention artistique originale des mangakas.
Du numérique au physique
Le projet ne se limite pas à la simple numérisation. Shueisha a ouvert une galerie physique à Azabudai Hills en novembre 2023 où sont exposées des reproductions sur papier coton 100% avec des encres résistantes à la lumière. La collection The Press propose même des éditions limitées à 20 exemplaires réalisées sur presse typographique. Pour garantir l'authenticité de chaque œuvre, des certificats blockchain sont délivrés. Le succès est au rendez-vous puisque 70 à 80% des archives numérisées sont activement utilisées pour des expositions ou des ventes. Certaines œuvres ont même rejoint les collections de la Bibliothèque publique de New York.
On en dit quoi ?
C'est plutôt malin de la part de Shueisha d'avoir misé sur du matériel photo haut de gamme plutôt que de continuer avec des scanners. Le moyen format, ce n'est pas juste du marketing : quand on doit capturer des trames fines et des dégradés subtils sur du papier vieillissant, les 150 mégapixels font vraiment la différence. On peut se demander si d'autres éditeurs auront les moyens de suivre. Le gouvernement japonais prévoit un centre national de préservation pour 2028, ce qui montre bien l'ampleur du chantier.