Après des mois d’incertitude, TikTok semble enfin avoir trouvé une porte de sortie sur le marché américain. Selon Axios, ByteDance a accepté de céder les opérations américaines de TikTok à un consortium d’investisseurs comprenant Oracle, Silver Lake et le fonds émirati MGX. Cette nouvelle entité, baptisée TikTok USDS Joint Venture LLC, détiendra 45 % du capital, tandis que ByteDance conservera environ 20 %, le reste restant aux investisseurs historiques.
Un TikTok américain, sous contrôle renforcé
Cet accord doit permettre à TikTok de continuer à opérer légalement aux États-Unis, conformément à la loi adoptée en 2024 — le Protecting Americans From Foreign Adversary Controlled Applications Act — qui imposait à ByteDance de vendre TikTok à une entité non chinoise sous peine d’interdiction pure et simple.
Dans les faits, cette nouvelle structure aura la responsabilité directe de la protection des données des utilisateurs américains, de la modération des contenus et, point crucial, du fonctionnement de l’algorithme de recommandation. Celui-ci devra être réentraîné exclusivement à partir de données américaines, afin de garantir que le fil de contenus soit libre de toute manipulation extérieure.
Oracle jouera un rôle clé dans ce dispositif, avec pour mission d’auditer et certifier la conformité de TikTok aux exigences de sécurité nationale américaines. TikTok USDS est censée fonctionner comme une entité indépendante, tandis que ByteDance conservera un rôle plus global sur l’interopérabilité des produits, la publicité et le e-commerce.
Après une interdiction en janvier, suivie de nombreuses extensions décidées par Donald Trump, l’accord devrait entrer en vigueur le 22 janvier 2026, mettant un terme — au moins provisoire — à la saga TikTok aux États-Unis.
Et en France ? TikTok sous surveillance pour ses effets sur les adolescents
Si le dossier américain est avant tout géopolitique, TikTok est également dans le viseur des autorités françaises, mais pour des raisons différentes. Depuis 2024, plusieurs travaux parlementaires et enquêtes de régulateurs s’intéressent aux effets de la plateforme sur la santé mentale des adolescents.
En France, la CNIL et l’Arcom ont déjà alerté sur le manque de transparence des algorithmes et sur les risques liés à l’exposition répétée à des contenus anxiogènes, violents ou favorisant des comportements addictifs. Une commission d’enquête du Sénat a auditionné des psychologues, des associations de parents et des spécialistes du numérique, pointant un risque réel d’addiction algorithmique, notamment chez les plus jeunes.
Contrairement aux États-Unis, la France ne cherche pas à forcer une vente de TikTok, mais à encadrer plus strictement ses pratiques, en particulier en matière de modération, de protection des mineurs et de fonctionnement de l’algorithme de recommandation. Pour le moment, il n'est pas question de scission mais plus d'âge minimal pour y accéder — ce qui pose un autre souci celui de la vérification et de la responsabilité.
Vers un scénario à l’américaine en Europe ?
La question n’est plus totalement théorique. Avec le Digital Services Act (DSA) et le Digital Markets Act (DMA), l’Union européenne dispose désormais d’outils bien plus puissants qu’auparavant. En cas de manquements graves et répétés, les sanctions pourraient dépasser les simples amendes, allant jusqu’à des restrictions structurelles sur certaines activités.
Sans aller jusqu’à une vente forcée comme aux États-Unis, l’affaire TikTok pourrait néanmoins servir de précédent politique, renforçant l’idée qu’une plateforme étrangère peut être contrainte de modifier en profondeur son fonctionnement pour rester sur un marché stratégique.
Entre souveraineté numérique, sécurité des données et protection de la santé mentale des plus jeunes, TikTok reste ainsi au cœur d’un bras de fer mondial. Et l’accord américain, loin de clore le débat, pourrait bien en ouvrir un nouveau côté européen.