La scène semble sortie d’un épisode de Black Mirror, mais elle est bien réelle. Selon un reportage de FranceTV diffusé la semaine dernière, des systèmes publicitaires boostés à l’intelligence artificielle commencent à apparaître dans certains supermarchés français. Il s'agit pour les structures d'analyser instantanément le visage des clients pour adapter les publicités affichées. Mais la CNIL n'a pas tardé à réagir et pour cause !
Des écrans équipés de caméras capables de profiler les clients
Dans les magasins testés dans le reportage, plusieurs écrans publicitaires ont été installés dans les rayons. Chacun est équipé d’une caméra, d’un système de reconnaissance faciale, d’un module d’analyse automatique, et d’un logiciel capable d’estimer le genre et la tranche d’âge du client qui passe devant.
En quelques millisecondes, l’algorithme tente de déduire si vous êtes un homme, une femme, un adolescent ou une mère de famille au bord de la crise, afin de changer la publicité affichée. La personnalisation s'effectue en temps réel, invisible, mais repose en réalité sur un traitement biométrique particulièrement sensible. Et c'est là que le bat blesse car la CNIL rappelle l’interdiction formelle du ciblage biométrique
Interrogée sur ces dispositifs, la Commission nationale de l’informatique et des libertés a été catégorique : ce n'est pas possible (ce ne serait même pas légal ici). En effet, analyser un visage pour en tirer des informations comme l’âge ou le genre constitue un traitement de données biométriques, ce que la CNIL considère comme une catégorie hautement sensible.
Et dans un lieu public comme un supermarché, sans consentement explicite, ce type de pratique est illégal.Pour la CNIL, les clients ne peuvent pas consentir à ce type de traitement informatique, par défaut, simplement en faisant leurs courses. En outre, la reconnaissance faciale ne peut pas être utilisée à des fins commerciales et les données biométriques nécessitent un cadre strict, qui là encore n'est pas respecté ici.
Un test marketing qui soulève des questions éthiques majeures
Au-delà de la légalité, le test pose des questions sur l’évolution de la publicité (deviendrait-elle invisible). De même, l'utilisateur n’a souvent aucune idée, aucune conscience même, qu’il est filmé et analysé. Le profilage par l'IA est instantané (sans contrôle ?)... Le glissement progressif vers un ciblage permanent est donc bien réel. Après les cookies et le tracking mobile, l’industrie publicitaire semble vouloir passer à un suivi du visage.
Le risque est surtout d'habituer les consommateurs à être analysés en continu dans les lieux publics — c'est normal... Ces systèmes ne sont pas propres à la France. Des technologies similaires sont déjà utilisées dans certains centres commerciaux en Asie, dans des gares au Royaume-Uni, ou encore dans plusieurs chaînes de fast-food aux États-Unis.
Qu'en penser ?
Mais à mesure que l’IA se banalise, l’idée d’une publicité hyper-personnalisée ne fait pas l’unanimité. En Europe, le RGPD et les autorités de protection des données font barrage à ces pratiques.
Ce dossier pourrait pousser la CNIL à renforcer encore davantage ses recommandations sur l’usage de l’IA dans l’espace public. Les enseignes, elles, risquent d’être sanctionnées si ces dispositifs ont été installés sans validation préalable.
Une chose est sûre : l’IA continue de s’immiscer dans notre quotidien, mais toutes les innovations ne sont pas acceptables — surtout lorsque votre visage sert de nouvelle monnaie publicitaire.