Le parquet de Paris vient d'ouvrir une enquête préliminaire visant Apple et Siri. La firme est suspectée d’avoir collecté des enregistrements d’utilisateurs à leur insu. La procédure, confiée à l’Office anti-cybercriminalité, fait suite à une plainte déposée en février dernier par la Ligue des droits de l’Homme, s’appuyant sur le témoignage d’un lanceur d’alerte français.
Le rôle clé d’un ancien sous-traitant d’Apple
À l’origine de l’affaire, on trouve Thomas Le Bonniec, 30 ans, ancien employé d’un sous-traitant d’Apple en Irlande. Recruté en 2019 par Globe Technical Services, il travaillait à Cork à l’analyse d’extraits audio collectés par Siri pour améliorer la qualité des réponses de l’assistant vocal. Mais derrière cette mission technique se cachait, selon lui, une vaste opération d’écoute de milliers d’utilisateurs, sans leur consentement explicite.
Ces enregistrements — parfois intimes — pouvaient contenir des conversations privées, des données sensibles, voire des éléments permettant d’identifier directement les personnes. Cette pratique, pour ThomasLe Bonniec, n'aurait pas été sans soulever des questions majeures sur la protection de la vie privée et la conformité de Cupertino avec la réglementation européenne.
Une enquête pour répondre aux « questions pressantes »
La section J3 du parquet de Paris, spécialisée dans la cybercriminalité, devra donc déterminer l’ampleur de la collecte opérée par Apple depuis le lancement de Siri en 2014. Combien d’enregistrements ont été réalisés ? Combien de personnes sont concernées, directement ou indirectement, via leurs proches ? Où ces données sont-elles stockées ?, s'interroge le lanceur d'alerte dans les colonnes de Politico.
Le lanceur d’alerte estime également nécessaire d’éclaircir un autre point : est-ce que la firme californienne a continué — encore aujourd’hui — ces pratiques, malgré ses engagements répétés en matière de protection des données personnelles.
Notre avis
Ce n’est pas la première fois qu’Apple est accusée d’atteintes à la vie privée. En 2019 déjà, après les premières révélations de Thomas Le Bonniec, l’entreprise avait reconnu que des sous-traitants écoutaient des extraits audio de Siri pour améliorer son fonctionnement, tout en assurant avoir depuis revu ses procédures.
Mais l’ouverture d’une enquête par le parquet de Paris marque une étape judiciaire de plus grande envergure en France. Elle pourrait placer Cupertino face à des sanctions financières, voire des obligations de transparence accrues sur la gestion des données collectées par ses services d’assistance vocale. Alors que la firme met en avant ses engagements en matière de confidentialité comme argument commercial face à Google ou Meta, cette affaire risque d’écorner une image savamment entretenue.