Donald Trump vient de dévoiler un plan de taxation massif sur les importations : 10 % minimum pour tous les pays, 20 % pour l’Europe, avec des surtaxes allant jusqu’à 54 % pour certains. Une politique protectionniste qui fragilise déjà les marchés mondiaux, inquiète les entreprises technologiques et ravive les tensions avec les alliés des États-Unis, qui étaient déjà à un niveau stratosphérique.
Visuel : Le Monde / AFP
C’est officiel : les États-Unis taxeront (presque) tout le monde
Dans une mise en scène bien rodée depuis les jardins de la Maison Blanche, Donald Trump a donc signé un décret instaurant des droits de douane généralisés, valables dès ce 5 avril à minuit. Tous les pays sont concernés par un taux plancher de 10 %, avec des surtaxes importantes pour ceux jugés injustes sur le plan commercial. La Chine est la plus touchée avec un total de 54 % de droits de douane, suivie de Taïwan (32 %), le Japon (24 %) et l’Union européenne (20 %). Seuls quelques pays comme le Mexique, le Canada ou la Russie sont épargnés, pour des raisons qui tiennent autant à la diplomatie qu’aux flux commerciaux.
La mesure concerne quasiment tous les produits importés, à l’exception de quelques matières stratégiques ou rares (or, cuivre, produits pharmaceutiques ou semi-conducteurs). Mais ce sont surtout les voitures étrangères qui font les frais de cette offensive protectionniste : une surtaxe de 25 % s’applique dès aujourd’hui sur tous les véhicules importés.
La justification officielle ? Restaurer une forme de justice commerciale et relancer l’industrie nationale. Notre pays a été pillé, saccagé, dévasté, a déclaré Trump devant des ouvriers de Détroit, en décrivant ce nouveau tournant comme un jour de libération économique. Mais dans les faits, ces droits de douane ont été calculés sur des bases très critiquées, qui reposent davantage sur des déficits bilatéraux que sur des indicateurs économiques scientifiquement validés..
Les usines chinois qui bossent pour Apple on des soucis à se faire
Des marchés sous tension immédiate
Les effets ne se sont pas fait attendre. Dès l’annonce, les bourses asiatiques ont plongé (–3 % à Tokyo, –2 % à Séoul), suivies par les marchés européens, qui ont ouvert dans le rouge ce matin. À Wall Street, les géants de la tech sont particulièrement secoués : Apple perd 7 %, Amazon 6 %, et Nvidia, très exposé à la Chine et Taïwan, s’effondre de 8 %. Les investisseurs se réfugient vers les valeurs sûres : l’or a atteint un nouveau record à 3 167 dollars l’once, alors que les taux des bons du Trésor américain reculent fortement.
Apple est particulièrement exposée à ces mesures. L’entreprise assemble une grande partie de ses produits en Chine, en particulier ses iPhones et MacBook. En cas de surtaxe de 54 %, les marges pourraient chuter ou les prix grimper pour les consommateurs. Les analystes évoquent déjà une hausse de 100 à 200 dollars sur certains modèles, à moins que la marque ne choisisse d’absorber une partie du choc.
Autre effet collatéral : la pression sur la chaîne d’approvisionnement mondiale. Si Apple décide de relocaliser une partie de sa production, cela prendra des années. Dans l’immédiat, l’entreprise pourrait se tourner vers l’Inde ou le Vietnam, mais ces pays figurent aussi parmi les cibles de Trump (respectivement 26 % et 46 % de droits de douane).
Tesla, BMW, Toyota : l’automobile dans le brouillard
Côté automobile, la surtaxe de 25 % est un coup dur pour les constructeurs étrangers. BMW et Mercedes produisent déjà une partie de leurs SUV aux États-Unis, mais restent vulnérables. Toyota, Nissan et Volkswagen pourraient revoir leurs stratégies industrielles.Tesla, bien qu’américain, vend aussi en Chine et importe beaucoup de composants asiatiques : le constructeur pourrait de fait subir des hausses de coûts et de possibles représailles de Pékin. L’industrie automobile mondiale, très intégrée, risque du coup de devoir jongler entre relocalisations partielles, renégociations logistiques et inflation des prix.
"Nous sommes prêts à cette guerre" : Sophie Primas annonce sur RTL une "riposte sur les produits et services américains"
Des tensions qui débordent sur le numérique
L’Union européenne prépare bien sûr sa riposte. D’après la porte-parole du gouvernement français, Sophie Primas, deux vagues de contre-mesures sont en préparation. La première ciblera l’acier et l’aluminium mi-avril, la seconde pourrait toucher les services numériques américains dès la fin du mois. Les géants comme Google, Meta ou Amazon, souvent critiqués pour leur optimisation fiscale, sont déjà dans la ligne de mire. En toile de fond, la question de l’accès aux marchés publics européens est aussi évoquée.
Une stratégie risquée, même pour Trump
Donald Trump espère que cette pression tarifaire poussera les entreprises à réinvestir massivement sur le sol américain. Il compte aussi financer une baisse d’impôts à travers les 600 milliards de recettes fiscales attendues. Mais les économistes sont pour le moment assez sceptiques. Selon Goldman Sachs, la probabilité d’une récession américaine d’ici douze mois atteint 35 %. Et une hausse généralisée des prix est désormais jugée inévitable : l’inflation pourrait repartir fortement à la hausse, avec un impact direct sur les ménages.
Ce Liberation Day annoncé par Trump pourrait marquer le retour d’un monde économique fragmenté. Pour beaucoup d’analystes, les grandes entreprises n’ont plus le luxe d’une mondialisation fluide : elles vont devoir improviser. Quant aux consommateurs, il va probablement falloir s’habituer à payer plus cher.