Accusé d’abus de position dominante, Google est de retour au tribunal pour une audience décisive. Et pour ce dossier, le groupe risque gros, puisqu'il est question de l’avenir du navigateur Chrome et, plus largement, celui de la recherche en ligne à l’ère de l’intelligence artificielle.
Le procès antitrust contre Google entre dans une phase cruciale. Depuis le 21 avril, la justice américaine a rouvert les débats pour déterminer si le géant californien doit se séparer de Chrome, son navigateur web ultra-dominant, accusé de verrouiller le marché au détriment de ses concurrents.
Pour Gail Slater, chef du département antitrust du ministère de la Justice, c’est l’avenir de l’internet qui est en jeu. Déjà reconnu coupable d'abus de position dans la recherche en ligne, Google pourrait faire face à une peine historique : la scission de son navigateur.
Abigail Slater
En effet, le DOJ reproche à Google d’utiliser Chrome comme un levier pour asseoir la domination de son moteur de recherche. Préinstallé par défaut sur des millions d’appareils via des accords conclus avec Apple, Samsung ou d’autres fabricants, Chrome serait donc une porte d’entrée stratégique aux services du groupe. Cette situation, selon l’accusation, bloque toute tentative de concurrence sérieuse.
Sans Chrome, Google perdrait une immense source de données sur les habitudes de recherche des utilisateurs, estime Yory Wurmser, analyste chez eMarketer. Ce démantèlement ouvrirait également l’accès à ces données à d’autres acteurs, une condition jugée essentielle pour favoriser la création d’alternatives crédibles à Google Search.
Google dénonce une attaque “radicale” sur fond de course à l'IA
De son côté, Google qualifie les propositions du DOJ de radicales. Kent Walker, président des affaires mondiales du groupe, a prévenu que ces mesures nuiraient non seulement aux consommateurs, mais aussi aux développeurs et aux petites entreprises américaines.
L’approche du ministère de la Justice entraînerait un excès de pouvoir sans précédent de la part du gouvernement, a-t-il dénoncé, évoquant une atteinte au leadership technologique des États-Unis.
Au-delà de la recherche traditionnelle, le procès se joue aussi sur le terrain de l’intelligence artificielle. Avec l’essor de solutions comme ChatGPT (OpenAI), Gemini (Google) ou Perplexity AI, la manière dont les internautes accèdent à l’information évolue rapidement. Et Google n’entend pas perdre sa position dominante dans cette nouvelle ère.
Mais pour le ministère de la Justice, maintenir le monopole de Google sur les flux d’information -même à travers l’IA générative- serait un frein à l’innovation. Rien ne fera progresser l’intelligence artificielle plus rapidement qu’un marché ouvert et concurrentiel, a pourtant assuré Gail Slater.
Mais cette affaire attire l'attention. Ainsi OpenAI serait intéressé par le rachat du navigateur Chrome si un tribunal fédéral ordonnait sa scission, a déclaré le responsable de ChatGPT lors d'une audience au tribunal mardi. Oui, nous le ferions, comme beaucoup d'autres parties, a déclaré Nick Turley, le directeur de ChatGPT, interrogé dans le cadre du procès Google .
Vers un procès fleuve… jusqu’à la Cour suprême ?
Si le juge Amit Mehta -qui officiait déjà sur le précédent dossier- décidait d’imposer une séparation structurelle à Google, le groupe devrait faire appel. Une procédure qui pourrait durer plusieurs années et remonter jusqu’à la Cour suprême.
Gail Slater a comparé la situation à celle des grandes affaires antitrust du XXe siècle, comme les démantèlements de Standard Oil ou d’AT&T. Ce parallèle des plus forts montre la portée symbolique de ce procès pour l’avenir de la tech et son impact dans le monde.
Alors que les patrons des géants technologiques tentent de se rapprocher de Donald Trump, revenu au pouvoir, pour influencer les décisions à venir, la justice américaine semble plus déterminée que jamais à réécrire les règles du jeu.