C’est un front inédit dans le paysage médiatique français. Près de 200 médias, publics et privés, ont décidé d’assigner en justice Meta, la maison mère de Facebook et Instagram, pour pratiques publicitaires illégales. Ils entendent remettre en cause son modèle économique reposant sur le ciblage ultraprécis des utilisateurs, rendu possible par la collecte massive -et selon eux illégale- de données personnelles.
Parmi les demandeurs, figurent TF1, France Télévisions, Radio France, Le Figaro, Libération, mais aussi Ouest-France, Dailymotion, ou encore les groupes Prisma et CMI. Tous accusent Meta de violations systématiques du RGPD, en exploitant les données personnelles sans consentement explicite, et ce, dans le but de proposer des publicités extrêmement ciblées.
En exploitant ces données, Meta a capté la majorité des investissements publicitaires au détriment des médias, dénoncent les conseils des demandeurs. L'assignation a été déposée ce mercredi devant le tribunal des activités économiques de Paris (ex-tribunal de commerce).
Tribunal des activités économiques de Paris
Une “première historique” contre la domination publicitaire
Les avocats évoquent une concentration excessive du marché publicitaire numérique, dominé par Meta et Google. À eux deux, ils représenteraient 75 % du marché français et 90 % de sa croissance. Selon les demandeurs, cette domination repose en partie sur des pratiques commerciales déloyales, qui auraient privé les médias traditionnels de revenus publicitaires cruciaux pour leur survie à l’ère numérique. Sans ces pratiques, les médias français auraient capté une part bien plus importante du marché, affirment-ils.
Au delà, c'est le cœur du modèle économique de Meta, qui est ainsi remis en question. En effet, Meta tire 98 % de son chiffre d’affaires mondial de la publicité. Le recours au profilage algorithmique à grande échelle est donc la pierre angulaire de sa stratégie : les annonceurs paient pour cibler avec précision les utilisateurs en fonction de leurs comportements, de leurs centres d’intérêt, de leur historique de navigation, etc.
Mais pour les demandeurs, cette logique de surveillance va à l’encontre du cadre légal européen, notamment du Règlement général sur la protection des données. Car le texte impose un consentement libre, éclairé et explicite de l’utilisateur.
Vers un nouveau rapport de force ?
Si la procédure en est encore à ses débuts, elle marque un tournant dans les relations entre plateformes et éditeurs. Pour la première fois, un ensemble aussi large de médias français s’allie contre un acteur du numérique, dans l’espoir d’obtenir une réparation économique mais aussi de rééquilibrer le marché publicitaire. Sollicitée par l’AFP, Meta n’a pas encore réagi à ces accusations.