Invité vedette de l’événement de rentrée de France Digitale, l’économiste Gabriel Zucman a défendu son projet d’impôt minimum de 2 % sur le patrimoine des Français les plus riches. Devant le tollé au sein de French Tech en quelques jours, il a reconnu que quelques dizaines de cas pourraient poser problème.
Un débat sous haute tension
France Digitale, l’association qui fédère start-up et investisseurs, avait convié Gabriel Zucman, pour débattre de sa proposition de taxe. Mais la tension était palpable au Musée des arts forains, dans le XIIᵉ arrondissement de Paris. En effet, un échange plutôt vif avec l’économiste Philippe Aghion a mis en lumière la fracture entre justice fiscale et soutien à l’innovation.
La mesure, qui vise les 1 800 Français les plus fortunés, prévoit un impôt minimum de 2 % sur leur patrimoine. Mais la riposte au niveau de la tech française est unanime : les fondateurs et investisseurs dénoncent un poison mortel pour l’écosystème, craignant un signal désastreux pour l’investissement et l’attractivité de la France. Pire une machine à casser les rêves, renchérissent certains entrepreneurs, redoutant que les capitaux s’évaporent vers d’autres places mondiales plus accueillantes.
La taxe Zucman est une proposition d’impôt minimum de 2 % visant les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros. Concrètement, il s’agit d’une « contribution différentielle » : les ultra-riches devraient s’acquitter d’un montant équivalent à au moins 2 % de leur fortune chaque année. Si leurs impôts actuels (revenu, CSG, impôt sur la fortune immobilière, etc.) atteignent déjà ce seuil, rien ne change. En revanche, si la charge fiscale est inférieure, ils devront verser la différence. L’idée est d’éviter les stratégies d’optimisation qui permettent aujourd’hui à certains multimillionnaires de réduire fortement leurs impôts.
Selon Gabriel Zucman, la mesure permettrait de générer 20 milliards d’euros de recettes annuelles. Il s’agit donc d’un dispositif très ciblé, qui entend renforcer la justice fiscale sans toucher la majorité des contribuables. Cette proposition, au cœur de nombreux débats, oppose partisans d’une fiscalité plus équitable et entrepreneurs craignant un frein à l’investissement et à l’innovation.
Justice fiscale ou frein à l’innovation ?
Confronté à ces critiques, Gabriel Zucman a maintenu le cap sur son projet, qu’il considère comme un impératif de justice sociale face aux inégalités grandissantes. Mais il a admis que quelques dizaines de situations particulières pourraient poser problème, notamment pour des profils de fondateurs encore majoritairement investis dans leur entreprise et dont la liquidité du patrimoine est limitée. Cet aveu traduit les limites pratiques de la mesure et la nécessité d’éventuels ajustements.
Certains opposants ont cité l’exemple de la licorne française Mistral AI, estimant qu’une telle fiscalité pourrait freiner son développement. Mais son patron, Arthur Mensch, a pris le contre-pied : tout en reconnaissant la nécessité de bien calibrer la loi pour ne pas décourager l’entrepreneuriat, il affirme être convaincu qu’il faut plus de justice fiscale en France et appelle à trouver un équilibre entre redistribution et attractivité pour que la France reste un terrain favorable à l’innovation.
Une équation encore insoluble
À l’heure où la French Tech cherche à consolider son rôle de moteur de croissance et d’innovation en Europe, le bras de fer autour de la taxe Zucman illustre la difficulté d’arbitrer entre équité sociale et compétitivité économique. Si l’économiste a su séduire une partie du public par sa vision et son énergie, la contestation des entrepreneurs montre que la route sera longue avant de trouver un compromis acceptable.