Après la découverte sur le site chinois de poupées à caractère pédopornographique et d’armes de catégorie A, le gouvernement français a haussé le ton hier en évoquant une procédure de suspension de la plateforme. Mais, le scandale autour de Shein prend une nouvelle ampleur aujourd'hui.
Paris demande des sanctions européennes
Les ministres Roland Lescure (Économie) et Anne Le Henanff (Numérique et Intelligence artificielle) ont adressé aujourd'hui une lettre officielle à la Commission européenne, appelant à des mesures immédiates contre la plateforme d’ultra fast fashion.
Dans leur courrier adressé à Henna Virkkunen — vice-présidente de la Commission chargée de la souveraineté technologique — les deux ministres exhortent Bruxelles à ouvrir une enquête sans délai et à prendre des mesures provisoires à l’encontre de la plateforme, rappelant que la Commission européenne est l’autorité compétente pour s’assurer de la conformité de ces plateformes au cadre européen. En effet, Shein pourrait faire l’objet de sanctions si les faits sont confirmés.
Hier, le gouvernement français a également lancé un ultimatum de 48 heures à la société pour retirer tous les produits illégaux encore présents sur son site, faute de quoi une suspension temporaire pourrait être envisagée.
Selon les derniers chiffres publiés par Médiamétrie en septembre 2025, Shein s’impose comme un acteur majeur du web français, malgré les polémiques qui entourent la plateforme. Le site chinois d’ultra fast fashion est désormais la 19ᵉ marque la plus visitée en France, avec près de 19 millions de visiteurs uniques par mois — soit environ 5 millions par jour en moyenne. Ce niveau de fréquentation place Shein devant des géants bien installés comme Outlook, Spotify, Booking.com, Vinted, Marmiton ou encore LinkedIn. Ces données montrent l’ampleur de sa pénétration sur le marché français, alors même que le gouvernement envisage une procédure de suspension du site pour des raisons de conformité.
Mais la plateforme reste encore loin derrière son rival Temu, autre mastodonte chinois du e-commerce, qui atteint 24,5 millions de visiteurs uniques mensuels et se hisse à la 13ᵉ place des sites les plus consultés en France. Temu dépasse désormais des applications emblématiques comme TikTok, Waze ou OpenAI, confirmant la montée en puissance des géants chinois dans le paysage numérique français. Au sommet du classement, sans surprise, dominent les incontournables Google, Facebook, YouTube, WhatsApp et Instagram.
Une procédure complexe et juridiquement fragile
Mais le blocage pur et simple d’un site de e-commerce étranger n’est pas si simple à mettre en œuvre. En droit français, une telle mesure ne peut être prise que pour des sites dont l’activité principale est illicite, comme ceux diffusant des contenus pédopornographiques ou terroristes.
Or il y a un souci technique (juridique) dans ce dossier. Interviewé sur France Inter, Me Alexandre Archambault, avocat spécialisé en droit du numérique, précise que Shein n’entre pas dans cette catégorie. Quoiqu’on puisse reprocher à Shein, c’est aller un peu vite en besogne de dire que c’est un repaire de délinquants.
La justice française a été saisie, mais la procédure pourrait s’étendre sur plusieurs semaines, voire plusieurs mois. À titre d’exemple, un site de contrefaçon de billets avait pu être bloqué en urgence durant les Jeux olympiques, mais au prix d’une procédure exceptionnelle.
ET la suite ?
En outre, le siège européen de Shein étant situé à Dublin, c’est l’Irlande — ou la Commission européenne — qui détient le pouvoir de sanctionner efficacement la plateforme. Or en matière de numérique, le droit européen prime sur le droit national et en matière de régulation des acteurs, il faut désormais s'appuyer sur le DSA (Digital Services Act). Enfin en pratique, même un blocage décidé — temporairement — par la France resterait facilement contournable via un VPN, soulignant les limites de la régulation nationale face aux géants mondiaux du commerce en ligne.