La tension monte entre Apple et le gouvernement britannique. La firme s’oppose toujours fermement à l’idée d’introduire une backdoor dans iCloud, et le bras de fer prend désormais une tournure très British avec cette audience programmée devant un tribunal d'exception, et ce, dans le plus grand secret.
Petit rappel du dossier
Tout a commencé début février, lorsque le gouvernement britannique a officiellement demandé à Apple de fournir aux autorités un accès complet aux données iCloud des utilisateurs du monde entier. Le but était de pouvoir identifier rapidement toute menace pour la sécurité nationale.
Face à cette exigence, Cupertino a immédiatement réagi : plutôt que de compromettre la sécurité de ses utilisateurs, elle a annoncé la suppression de la Protection avancée des données pour sa clientèle anglaise. Cette fonctionnalité, qui chiffre de bout en bout les données iCloud, reste donc indisponible au Royaume-Uni -une conséquence directe du bras de fer entre Apple et les autorités du pays.
Une procédure hors norme
Selon la BBC, l’affaire sera examinée lors d’une audience à huit clos devant une juridiction spéciale, Investigatory Powers Tribunal, et ce, dans le cadre d'une procédure toute aussi exceptionnelle liée à des questions de sécurité nationale. En effet, Apple avait déposé début mars une plainte officielle auprès de ce Tribunal et elle aurait donc obtenu gain de cause.
Mais les réactions dans l'opinion publiques diffèrent. Cette audience ne devrait pas se tenir en secret, déplore Caroline Wilson Palow, directrice juridique de Privacy International, à la BBC. Le public a le droit de savoir si la sécurité d’un service utilisé par des millions -voire des milliards- de personnes dans le monde est menacée.
Le Investigatory Powers Tribunal est une juridiction spécialisée au Royaume-Uni, chargée d’examiner les plaintes contre les activités de surveillance menées par les agences de renseignement, les forces de l’ordre et d’autres organismes publics.
Créé par la Regulation of Investigatory Powers Act 2000, ce tribunal joue un rôle crucial dans le contrôle des pouvoirs d’enquête du gouvernement, notamment en ce qui concerne l’interception des communications (écoutes téléphoniques, accès aux données numériques), les surveillances des individus et l'accès aux données personnelles (comme les métadonnées ou le contenu stocké dans le cloud).
L'organisme a souvent été critiqué pour son manque de transparence, car il peut tenir ses audiences à huis clos pour des raisons de sécurité nationale. Aussi, ni le public, ni les médias, parfois même ni les plaignants ne sont informés des détails des affaires.
Malgré son indépendance théorique, il a longtemps été accusé de biais pro-gouvernemental. Mais cette situation aurait changé dans les années 2010, notamment après les révélations d’Edward Snowden sur la surveillance de masse.
Apple campe sur ses principes
Ce dossier met en lumière une fois de plus la ligne rouge tracée par Apple sur la protection de la vie privée. La firme a toujours défendu un chiffrement sans exception, refusant catégoriquement d’intégrer la moindre backdoor, de peur que cette porte ne devienne un point d’entrée exploitable, non seulement par les gouvernements, mais aussi par des acteurs malveillants. Pour l’instant, le Royaume-Uni semble déterminé à faire plier Apple, mais cette dernière tient bon, quitte à sacrifier certaines fonctionnalités dans le pays.