Une récente tribune publiée dans Les Echos relance un vieux débat : faut-il moduler le montant des amendes routières selon les revenus du contrevenant ? L'idée part d'un constat simple : une amende de 135€ n'a pas le même impact si vous gagnez le SMIC ou 15 000€ par mois. L'efficacité de la sanction serait donc très inégale.
Une amende est un frais : l'injustice du système actuel
Le système français base le montant de la contravention sur la gravité de l'acte, pas sur le profil financier du conducteur. Or, une pénalité fixe, comme les 135€ pour la plupart des excès de vitesse, peut déstabiliser un budget modeste tout en étant parfaitement indolore pour un foyer aisé.
C'est ce que résume l'adage anglo-saxon a fine is a fee (une amende est un frais) : pour les plus riches, la sanction n'est plus dissuasive, elle devient simplement le prix à payer pour s'affranchir de la règle, qu'il s'agisse de stationnement ou de vitesse. L'objectif de la proposition n'est pas de réduire la note pour les moins favorisés, mais bien de frapper plus fort au portefeuille des plus garnis pour que la punition retrouve son sens.
Des précédents en Suisse ou en Finlande
Cette proposition ne vise que l'aspect pécuniaire de la sanction. Le retrait de points ou les éventuelles peines de prison resteraient identiques pour tous. Si en France, l'idée se heurte au principe d'égalité devant la loi, elle est déjà une réalité chez plusieurs de nos voisins. Des pays comme la Finlande, le Danemark, le Royaume-Uni ou la Suisse appliquent déjà des systèmes où le montant de l'amende est indexé sur les ressources du contrevenant. La Finlande est célèbre pour ses amendes records infligées à de riches conducteurs. L'objectif est double : restaurer une véritable équité dans la sanction et, accessoirement, améliorer les recettes publiques.
Un casse-tête technique en perspective
Si l'idée séduit sur le papier, sa mise en œuvre serait un véritable défi technique et bureaucratique. La tribune soulève elle-même les obstacles : quels revenus faudrait-il considérer ? Comment interconnecter les bases de données de la police et du fisc en temps réel ? Que faire des conducteurs étrangers ou des touristes dont les finances sont inconnues ? On peut aussi craindre des effets pervers, comme le développement d'un marché noir où des individus à faibles revenus se désigneraient à la place des vrais conducteurs, moyennant finance, un phénomène qui existe déjà pour les points du permis.
On en dit quoi ?
Sur le fond, l'injustice du système actuel est réelle. Une sanction doit être dissuasive, et elle ne l'est clairement pas quand elle représente 0,1% du revenu mensuel d'un conducteur contre 10% pour un autre. Reste que la mise en place d'une telle mesure ressemble à une usine à gaz administrative. À l'heure où l'on peine déjà à gérer correctement le recouvrement des amendes classiques, imaginer une interconnexion en temps réel avec les services des impôts semble relever de la science-fiction.
L'alternative, également citée dans la tribune, consistant à remplacer les peines monétaires par des travaux d'intérêt général dans des centres de rééducation pour victimes de la route, aurait sans doute un impact pédagogique bien plus fort et égalitaire. Et vous, seriez-vous favorable à une amende indexée sur votre fiche de paie ?