La commission d’enquête parlementaire sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs vient de livrer ses conclusions, et ces dernières sont sans appel. Après quatre-vingt quinze heures d’audition, les députés Arthur Delaporte et Laure Miller décrivent la plateforme comme un océan de trash, hors de contrôle et à l’assaut de la jeunesse. Adopté le 4 septembre et rendu public ce jeudi 11 septembre, le texte formule quarante-trois recommandations pour protéger les jeunes.
Interdiction aux moins de 15 ans et couvre-feu numérique
Parmi les mesures les plus marquantes, les députés recommandent l’interdiction pure et simple des réseaux sociaux (hors messageries) aux moins de 15 ans. Pour les 15-18 ans, ils préconisent un couvre-feu numérique interdisant l’accès aux réseaux sociaux entre 22 heures et 8 heures. Des propositions radicales, mais la commission estime nécessaires pour endiguer l’emprise algorithmique du réseau chinois ByteDance, propriétaire de TikTok.
L’algorithme de TikTok ne repose pas sur les préférences des utilisateurs, rappellent les rapporteurs, mais sur leur temps de visionnage. Le résultat est que les contenus les plus trash sont privilégiés, sans égard pour leur impact psychologique. La motivation première de TikTok n’est pas le bien-être de ses utilisateurs, mais le profit, insiste la neurologue Servane Mouton, coprésidente de la commission d’experts associée aux travaux.
Responsabilité parentale et un délit de négligence numérique
Au-delà des restrictions d’accès, le rapport met l’accent sur le rôle et la responsabilité des parents. Au delà des infractions déjà existantes mais plus générales, il propose la création d’un délit de négligence numérique pour sanctionner ceux qui exposeraient délibérément leurs enfants aux risques des réseaux sociaux. Une campagne nationale d’information est également suggérée, avec l’ajout de formations pour les parents directement dans le carnet de santé de l’enfant.
La commission cible aussi l’Éducation nationale, appelant à une décroissance digitale à l’école. Elle recommande la généralisation du dispositif portable en pause dans tous les établissements scolaires, l’interdiction des téléphones dans les lycées (elle a été prononcé pour les collèges et les établissements de niveau inférieur cela va sans dire), et une meilleure sensibilisation des élèves aux risques numériques. Là encore se pose le problème de l'effectivité et de la mise en pratique de ces mesures. Et aussi de leur financement (le budget...).
Une impossible mise en pratique ?
Ces recommandations interviennent alors qu’une loi sur la majorité numérique, adoptée en 2023, impose déjà une autorisation parentale pour l’inscription des moins de 15 ans sur les réseaux sociaux. Mais cette législation n’est toujours pas entrée en application, en raison de doutes sur sa compatibilité avec le droit européen. Avec ce rapport, les députés appellent à un électrochoc politique. Mais entre contraintes juridiques, lobbying des plateformes et scepticisme d’une partie de l’opinion, la traduction concrète de ces propositions demeure incertaine.