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Que pensait la concurrence du tout premier iPhone ?

Par Nicolas Sabatier - Publié le

Il y a quelques jours, Nokia a ouvert ses archives où on peut trouver un diaporama confidentiel. Il détaille ce que pensait Nokia de la menace de l’iPhone au moment de son annonce. Revenons sur les réactions de la concurrence de l’iPhone avant son énorme succès.

Voilà à quoi ressemblaient les smartphones avant l'iPhone
Voilà à quoi ressemblaient les smartphones avant l'iPhone


Un document historique



En fouillant parmi les archives de design de Nokia, une personne tombe sur un document intéressant. C’est un diaporama qui a été créé afin d’étudier et d’évaluer la menace de l’iPhone sur le marché des smartphones.

Le premier élément intéressant est que cette présentation a été créée le lendemain de l’annonce par Steve Jobs, le 10 janvier 2007. Il faut admettre que les dirigeants de Nokia évaluent avec justesse à quel point Apple peut être un concurrent sérieux alors qu’ils n’ont pas eu le temps de bien réfléchir sur le sujet.

Nokia compte utiliser le N800 pour contrer l'iPhone.
Nokia compte utiliser le N800 pour contrer l'iPhone.


Par exemple, ils reconnaissent que l’interface graphique utilisée avec un écran tactile de l’iPhone est incomparable et conclue que Nokia doit développer un système similaire pour contrecarrer le smartphone d’Apple.

Que pensait la concurrence du tout premier iPhone ?


Le diaporama continue en spéculant sur le succès de l’iPhone. En effet, si le smartphone d’Apple arrive à prendre 1% du marché comme l’a annoncé Steve Jobs, Nokia indique que cela ne dit pas tout. La firme finlandaise prévoit que le smartphone prendra 30% des parts de marché des appareils haut de gamme vendus à plus de 300€ et que l’iPhone en stimulera la demande. Une prédiction qui se réalisera bien au-delà de ce que craint le géant finlandais.

Nokia soupçonne que l’iPhone est largement subventionné par AT&T. Ils ont raison mais ils ne savent pas à quel point. Apple récupérait 10$ par mois pour chaque abonnement, chose totalement inédite.

Que pensait la concurrence du tout premier iPhone ?


Le diaporama indique que ce partenariat entre AT&T et Apple peut être une opportunité pour Nokia : les opérateurs américains concurrents ayant sans doute besoin de répondre avec leur propre smartphone haut de gamme. C’est effectivement ce qui se passera, on peut citer le Motorola Droid, aussi connu sous le nom de Milestone, qui est le premier smartphone Android sorti en exclusivité pour Verizon et présenté comme un concurrent direct de l’iPhone.

Le document confidentiel indique alors que Nokia pourrait exploiter ce besoin des opérateurs et conseille de se positionner grâce à sa relation privilégiée avec T-Mobile.

C’est intéressant de voir à quel point Nokia a réussi à comprendre la menace que présentait l’iPhone, tout en passant à côté de certains éléments. Notamment, l’absence d’application mobile Java est soulignée mais il n’y a aucune remarque sur le fait que Safari est un vrai navigateur. De même, le fait que l’iPhone n’est pas compatible avec Flash, technologie présente partout sur le web à l’époque, n’est pas noté.

Que pensait la concurrence du tout premier iPhone ?


Parmi les nombreuses remarques qui apparaissent sur le document, il y en a une qui saute aux yeux : iPhone has the biggest impact on the definition of coolness. Il faut dire que bien avant la sortie de l’iPhone, Apple est redevenue une icône grâce au succès phénoménal des iPods dont le grand Karl Lagarfeld était collectionneur.

Une concurrence qui se voile la face



Nous l’avons oublié mais quand l’iPhone est annoncé, le marché des smartphones est déjà bien établi avec des entreprises de premier rang.

Que pensait la concurrence du tout premier iPhone ?


Steve Jobs l’avait d’ailleurs bien souligné lors de la keynote. Nous avions Motorola, l’inventeur du téléphone cellulaire, Nokia, le géant finlandais qui a fait sa fortune avec des téléphones abordables, de qualité et résistant (il doit bien y avoir mon 3210 qui doit pouvoir encore fonctionner quelque part dans un de mes tiroirs), Palm qui a commencé par faire des PDA pour ensuite passer aux smartphones et enfin RIM qui surfe sur le succès phénoménal de ses BlackBerry qui permettent d’envoyer des mails n’importe où, rendant l’appareil tellement addictif qu’il est surnommé CrackBerry.

Tous les concurrents n’ont pas pris la mesure du phénomène iPhone à venir. Alors que nous avons vu que Nokia analyse correctement les forces du smartphone de Cupertino, ce n’est pas le cas de tout le monde.

Microsoft sous-estime l’iPhone



Prenons l’exemple de nos amis chez Microsoft : ils ne semblaient pas prendre au sérieux l’iPhone quand il est annoncé en 2007. Steve Ballmer, CEO de Microsoft à l’époque, a eu une réaction devenue mythique.



Il se moque ouvertement d’Apple en riant quand on lui pose la question sur les chances de l’iPhone : 500 dollars ? Totalement subventionné ? Avec un abonnement ? C’est le téléphone le plus cher du monde ! Vous pouvez avoir un Motorola Q pour 99 $. Apple a le smartphone le plus cher du marché et de loin. Il n’y a aucune chance que l’iPhone obtienne une part de marché significative. Aucune chance.

Ballmer conseille d'acheter le Motorola Q à la place de l'iPhone.
Ballmer conseille d'acheter le Motorola Q à la place de l'iPhone.


Rappelons que l’interview est, au départ, initiée pour parler du lancement du Zune, lecteur MP3 de Microsoft. Arrêtons-nous un instant là-dessus : Microsoft sort un concurrent de l’iPod cinq ans après la première version. Et dans la foulée, Apple annonce iPhone et sacrifie sa ligne d’iPod afin de tout miser sur les smartphones tactiles. On voit à quel point le Microsoft dirigé par Steve Ballmer était à côté de la plaque, et à quel point Steve Jobs, lui, était visionnaire.

Quand Apple annonce l'iPhone, Microsoft fait la promotion de son lecteur MP3 : le Zune.
Quand Apple annonce l'iPhone, Microsoft fait la promotion de son lecteur MP3 : le Zune.


Palm aussi sous-estime Apple



De son côté, le patron de Palm essaie d’écarter d’un revers de main les efforts d’Apple. Pour lui, il est impossible pour une société qui n’est pas spécialisée dans le mobile de s’imposer sur ce marché si spécifique. Il dit : Nous avons appris et lutté pendant des années pour arriver à faire un bon téléphone. Les gars de l’informatique ne vont pas y arriver d’un coup.

Palm ne croit pas Apple capable de rivaliser avec ses Treo.
Palm ne croit pas Apple capable de rivaliser avec ses Treo.


Eh bien si. La fin de Palm est d’ailleurs bien triste et pourrait faire le sujet d’un dossier…

BlackBerry refuse de croire que l’iPhone est réel



Nous avons aussi une réaction très intéressante chez Blackberry. Dans l’excellent livre Losing the Signal, on apprend comment les ingénieurs de BlackBerry ont réagi à la keynote. Alors que les patrons de RIM font une réunion de crise au lendemain de l’annonce de l’iPhone, ils demandent à leurs plus éminents ingénieurs ce qu’ils pensent de la démo. Leur réponse est étonnante : ils pensent que tout est truqué. Pour eux, le fait que l’iPhone est constamment connecté est la preuve que le rendu de l’écran est généré par un Mac en coulisse. Ils pensent qu’il est impossible pour un smartphone d’avoir un tel rendu graphique et des animations aussi fluides.

Lors de la keynote, l'iPhone est toujours connecté à un fil, mettant le doute dans l'esprit des ingénieurs de RIM.
Lors de la keynote, l'iPhone est toujours connecté à un fil, mettant le doute dans l'esprit des ingénieurs de RIM.


Au pire, ils pensent que l’iPhone aura une autonomie ridicule car Apple sera obligé d’intégrer un microprocesseur trop gourmand pour produire une interface aussi belle et fluide.

Après cette incrédulité, RIM réagit publiquement. Son patron essaie de se montrer optimiste : L’approche d’Apple centrée sur le design limitera en fin de compte son attrait en sacrifiant des fonctionnalités d’entreprise nécessaires. Je pense qu’en se concentrant trop sur l’un, on perd de vue la valeur de l’autre. L’approche d’Apple a produit des appareils qui ont inévitablement sacrifié des fonctionnalités avancées au profit de l’esthétique.

À l’instar de Palm, la fin de RIM (ou de BlackBerry, l’entreprise changeant de nom) est aussi assez triste. Je vous conseille d’ailleurs de regarder l’excellent film qui raconte son histoire.

Espérons que les actuels dirigeants d’Apple seront plus à même d’anticiper les prochains changements technologiques de grande ampleur, en tout cas mieux que Nokia, Motorola, RIM ou encore Palm.