Après trois reports successifs, le lanceur européen Ariane 6 a enfin pris son envol ce jeudi 6 mars 2025 depuis le Centre spatial guyanais de Kourou. Malgré un temps pluvieux, la fusée a décollé à 13h24 heure locale (soit 17h24 à Paris), marquant un moment clé pour l’Europe qui a vraiment besoin de retrouver sa souveraineté spatiale.
image @ AFP
Un lancement sous haute tension après plusieurs contretemps
À son bord, se trouvait le satellite militaire d’observation de la Terre CSO-3 (pour composante spatiale optique) destiné au ministère français de la Défense. Sa mise en orbite à 800 kilomètres était prévue une heure et six minutes après le lancement et s'est parfaitement déroulé, vient de confirmer Sébastien Lecornu. Il va compléter la mini-constellation de surveillance de la Terre pour le ministère français et permettre de renforcer les capacités de renseignement optique de la France.
Avec lui, la France dispose désormais de cinq satellites militaires, ce qui est bien loin des centaines de satellites détenus par les États-Unis ou la Chine. Le CSO-3 attendait son lancement depuis 2022, après que ses deux prédécesseurs, CSO-1 et CSO-2, ont été envoyés dans l’espace en 2018 et 2020 par des fusées Soyouz.
Ce premier vol commercial d’Ariane 6 ne s’est pas fait sans difficulté. Initialement prévu pour décembre 2024, il a été repoussé au 26 février, puis au 3 mars, avant d’être annulé à la dernière minute en raison d’un dysfonctionnement d’une vanne sur un tuyau d’avitaillement.
Cette vanne de 150 kg avait montré un comportement anormal lors des tests finaux, obligeant Arianespace à interrompre le compte à rebours, malgré le retrait du portique mobile et une fusée prête à décoller. Mais cette fois, le lancement s’est déroulé sans accroc, scellant un nouveau chapitre pour l’Europe spatiale.
Ariane 6, clé de voûte de l’indépendance spatiale européenne
Ce vol inaugural symbolise la reprise en main par l’Europe de son accès autonome à l’espace. Depuis l’arrêt des fusées russes Soyouz -suite à l’invasion de l’Ukraine- et la pause prolongée de Vega-C après son échec en 2022, le continent avait perdu en capacité de lancement.
Ariane 6 doit désormais combler ce vide et s’imposer face à la concurrence grandissante de SpaceX mais aussi faire face aux pressions américaines. L’entreprise d’Elon Musk, de plus en plus influente au sein de l’administration Trump, a intensifié ses lancements, fragilisant la position européenne sur le marché spatial.
L'objectif pour 2025 est désormais d'effectuer cinq lancements d’Ariane 6, avec une ambition à 12 vols par an dès que la cadence industrielle le permettra, selon Toni Tolker-Nielsen, directeur du transport spatial à l’Agence spatiale européenne (ESA).
Vol inaugural de 2024 - Image @ESA
Ariane 6 : une réponse européenne face à SpaceX
Pour rester dans la course, l’Europe mise sur Ariane 6, capable de s’adapter à différents types de missions grâce à ses deux versions : Ariane 62 (deux boosters) pour les satellites gouvernementaux et scientifiques et Ariane 64 (quatre boosters) pour les charges lourdes et les constellations.
Cette flexibilité est cruciale pour séduire les clients institutionnels et commerciaux, dans un secteur où SpaceX domine avec ses lancements ultra-fréquents et son modèle réutilisable. Ce lancement est donc autant un progrès technologique qu’un signal politique.