Saisi pour se prononcer sur la légalité du blocage de TikTok en Nouvelle-Calédonie en mai 2024, le Conseil d’État précise aujourd’hui les conditions dans lesquelles le Premier ministre peut interrompre provisoirement l’accès à un réseau social.
Une interruption justifiée par une situation exceptionnelle
Si la plus haute juridiction administrative française reconnaît la possibilité pour l’exécutif de suspendre temporairement l’accès à certaines plateformes, elle impose désormais un cadre juridique strict à toute décision de ce type. Cette décision fixe trois conditions cumulatives pour autoriser légalement une coupure de service en ligne.
Tout d'abord, le gouvernement ne peut envisager une telle mesure que dans des circonstances exceptionnelles, liées à un événement d’une gravité particulière. Il doit démontrer que la situation met en péril l’ordre public ou la sécurité des personnes, et qu’elle nécessite une réaction rapide et ciblée.
Dans le cas de la Nouvelle-Calédonie, les troubles survenus en mai 2024 ont été jugés suffisamment graves pour entrer dans ce cadre. Le gouvernement avait notamment justifié son action en expliquant que TikTok servait de vecteur à la diffusion de contenus violents ou manipulés, contribuant à l’aggravation des tensions sur le territoire.
Pas d'autres alternatives
La seconde condition posée est celle de la subsidiarité technique. Avant de bloquer un réseau social, les autorités doivent prouver qu’aucun autre moyen technique n’est disponible, ou que les autres options seraient encore plus attentatoires aux droits fondamentaux, comme la liberté d’expression ou d’information.
Le blocage d’une plateforme reste donc une mesure exceptionnelle, qui ne peut être utilisée qu’en dernier recours, et à condition que des solutions intermédiaires (modération ciblée, filtrage, limitation algorithmique) aient été écartées pour des raisons objectives et proportionnées.
Une durée limitée, avec date de fin explicite
C’est sur ce point que la décision du gouvernement a été annulée : l’absence de date de fin explicite. Le Conseil d’État rappelle qu’une interruption de service ne peut être légale que si elle est décidée à titre provisoire, avec une période clairement définie dès l’annonce de la mesure.
Le gouvernement avait indiqué que la coupure serait maintenue tant que les troubles persisteraient, ce qui ne répond pas aux exigences de délimitation temporelle imposées par le droit. Le Conseil d’État précise que la prolongation d’un blocage reste possible, mais doit alors faire l’objet d’une nouvelle décision motivée.
Portée
Le Conseil d’État annule le blocage de TikTok en Nouvelle-Calédonie en raison de l’absence de date de fin fixée. Mais il valide néanmoins la possibilité d’une coupure temporaire de réseaux sociaux, sous conditions strictes et cumulatives (les trois doivent impérativement être réunies).
Le gouvernement devra désormais démontrer : • Un événement d’une gravité exceptionnelle • L’absence d’alternative technique moins intrusive • Une limitation dans le temps, avec une date de fin définie dès le départ