L'Autorité de la concurrence frappe Doctolib au portefeuille. La licorne écope de 4,6 millions d'euros d'amende pour abus de position dominante. En cause : des ventes liées, des clauses d'exclusivité, et surtout le rachat jugé prédateur de son rival Mondocteur en 2018. Doctolib fait appel.
Le constat de la domination
Le couperet est tombé pour Doctolib. L'Autorité de la concurrence vient de lui infliger une amende de 4,66 millions d'euros. Le motif : abus de position dominante. L'affaire fait suite à une plainte déposée dès 2019 par un concurrent, Cegedim Santé. L'Autorité estime que Doctolib détient une part de marché écrasante, évaluée entre 70% et 90% sur la prise de rendez-vous en ligne, lui conférant une notoriété comparable à celle d'Amazon ou Google sur son secteur.
Ventes liées et exclusivité : les méthodes qui fâchent
L'enquête de l'AdLC (l’Autorité de la Concurrence donc) pointe plusieurs pratiques jugées problématiques. D'abord, Doctolib a longtemps imposé des clauses d'exclusivité à ses praticiens, les empêchant de facto d'utiliser les services d'un concurrent. Si Doctolib assure avoir supprimé ces clauses il y a deux ans, le mal était fait. L'Autorité reproche également à la licorne d'avoir pratiqué la vente liée. Concrètement, un médecin souhaitant utiliser le service de téléconsultation était obligé de souscrire également à l'offre complète d'agenda et de prise de rendez-vous. Une manière efficace de verrouiller les clients.
Le rachat de Mondocteur, une acquisition "prédatrice"
C'est le point le plus important de la décision, et une première en France. L'Autorité de la concurrence sanctionne Doctolib (à hauteur de 50 000 euros sur l'amende totale) pour acquisition prédatrice lors du rachat de son principal concurrent, Mondocteur, en 2018. L'AdLC estime que cette opération visait sciemment à verrouiller le marché national en éliminant son seul rival sérieux. Des documents internes cités par l'autorité montreraient que Doctolib avait conscience de créer un quasi-monopole. Cette sanction d'une acquisition a posteriori au titre de l'abus de position dominante est inédite.
Doctolib fait appel et défend sa stratégie
Face à ces accusations, Doctolib a déjà annoncé faire appel, bien que celui-ci ne soit pas suspensif. L'entreprise conteste la notion même de position dominante. Elle argue que le marché de la téléconsultation ne peut être isolé du logiciel de gestion global. Surtout, la licorne affirme n'équiper que 30% des soignants français (contre 10% lors de la plainte). Concernant le rachat de Mondocteur, Doctolib estime que cette décision envoie un signal très préoccupant à l'écosystème tech, sapant la capacité des start-ups à grandir par acquisition.
On en dit quoi ?
L'amende de 4,6 millions d'euros peut sembler modeste au vu du chiffre d'affaires 2024 de Doctolib (348 millions d'euros). Ce n'est pas le montant qui compte, mais le symbole. L'Autorité de la concurrence montre les muscles et applique à un champion national les recettes anti-trust habituellement réservées aux GAFAM (ventes liées, acquisitions prédatrices). En ciblant le rachat de Mondocteur six ans après les faits, l'AdLC envoie un avertissement clair : la croissance rapide n'excuse pas les pratiques visant à tuer la concurrence dans l'œuf. Reste à voir si la justice, en appel, confirmera cette lecture.