Un compte à rebours silencieux est enclenché dans les systèmes informatiques de la RATP, et ce, depuis des années. Sans correction d’ici le 19 janvier 2038 à 3 h 14 (c'est précis), une partie majeure du réseau francilien pourrait être paralysée par un bug informatique structurel. Le 13 novembre 2025, le tribunal administratif de Paris a condamné Alstom à corriger ce défaut affectant les logiciels embarqués de nombreuses rames, révèle L’Informé.
Un bug ancien, découvert presque par accident
Le problème concerne notamment le RER A (le plus emprunté de la région parisienne, ça tombe bien), plusieurs lignes de métro (1, 2, 4, 5, 6, 9, 11 et 14) ainsi que plusieurs lignes de tramway. Au total, plus d’un tiers du réseau RATP serait exposé à ce dysfonctionnement si aucune mise à jour majeure n’est réalisée.
L’anomalie a été détectée presque fortuitement le 5 octobre 2017, lors d’une revue technique sur une rame MI09. Les agents de la RATP constatent alors l’impossibilité d’afficher ou de manipuler des données au-delà de l’année 2037. En effet, les calculateurs embarqués programmés en 32 bits signés sont incapables de gérer des dates postérieures au 19 janvier 2038.
Ce problème, bien connu dans l’univers informatique, touche les systèmes utilisant un comptage du temps basé sur le nombre de secondes écoulées depuis le 1er janvier 1970. À la date fatidique, ce compteur déborde, provoquant des erreurs potentiellement critiques.
Un vice « volontairement masqué » selon la justice
Mais l’affaire ne s’arrête pas à un simple héritage technologique. Selon le jugement, Alstom aurait tenté de dissimuler le problème, en insérant des lignes de code empêchant la saisie de dates au-delà de 2037, plutôt que de corriger le cœur du système. Les magistrats parlent d’un vice volontairement masqué.
Après plusieurs réunions infructueuses et une révélation partielle de l’ampleur du bug lors d’un échange en novembre 2018, la RATP décide finalement de saisir la justice en octobre 2019 (on est en 2025 tout va bien...) Le tribunal donne raison à l’exploitant public et accorde cinq ans à Alstom pour apporter une solution technique pérenne.
image WIkipedia
Un enjeu industriel et de sécurité critique
Au-delà du litige juridique, cette affaire illustre les fragilités des infrastructures critiques face à l’héritage logiciel. Dans des réseaux de transport massifs, où les cycles de vie des matériels dépassent souvent trente ans, les choix technologiques initiaux peuvent devenir des bombes à retardement.
Apparemment, Alstom a annoncé faire appel de la décision, tout en prenant acte du jugement. Il faut dire que la décision est normalement exécutoire de plein droit. Si l'échéance parait lointaine, à l’échelle industrielle, corriger des systèmes embarqués complexes, certifiés et interconnectés demande des années de développement, de tests et de déploiement. Aussi, à treize ans de l’échéance, le bug de l’an 2038 n’est plus une curiosité informatique. Il est désormais un problème très concret de continuité du service public.