À l’initiative de la France et de l’Allemagne, Arte pourrait bientôt changer d’échelle et se transformer en une plateforme de streaming paneuropéenne. Objectif affiché : défendre la souveraineté culturelle et lutter contre la désinformation. Mais entre ambitions politiques, financements à trouver et crainte de dilution de son identité, l’avenir de la chaîne franco-allemande reste suspendu à beaucoup de « si ».
Paris et Berlin veulent muscler Arte
À l’occasion d’une réunion récente des ministres européens de la Culture, la France et l’Allemagne ont affiché une volonté claire : faire d’Arte bien plus qu’une chaîne de télévision culturelle. Dans l’esprit de Rachida Dati, ministre française de la Culture, et de son homologue allemand, l’avenir passe par une plateforme de streaming européenne, accessible dans tous les pays de l’Union et proposant actualités, films, documentaires et séries en plusieurs langues.
Ce projet s’inscrit dans une démarche politique plus large : renforcer la « voix libre de l’Europe » face aux influences étrangères, qu’elles viennent de la Russie, de la Chine ou même du retrait progressif de certains médias financés par les États-Unis. Emmanuel Macron avait déjà donné le ton en 2023 lors d’une visite d’État en Allemagne : Arte doit incarner une réponse culturelle européenne crédible.
Une réponse à la désinformation
Le projet est aussi pensé comme un outil stratégique contre la désinformation. Rachida Dati a insisté sur le rôle de cette future plateforme comme contrepoids aux campagnes d’influence et aux tendances populistes qui secouent l’Europe. Pour Berlin, il s’agit ni plus ni moins d’affirmer une véritable souveraineté médiatique.
En fait, à l’heure où Netflix, Prime Video ou Disney+ dictent la loi de la VOD, Paris et Berlin veulent une alternative culturelle qui parle d’Europe à tous les Européens. Arte serait ainsi appelée à devenir le « service public culturel européen », une ambition qui dépasse de loin son rôle actuel.
Financements et réalités du terrain
Sur le papier, l’idée a du sens. Mais qui paiera ? Pour l’instant, aucune annonce de financement direct par la Commission européenne n’a été faite. Arte reste financée par les contributions publiques françaises et allemandes, with un objectif d’ouverture à d’autres partenaires. Reste à voir si l’Europe mettra la main à la poche pour permettre à la plateforme de franchir le cap, en particulier en matière de droits de diffusion et de traduction multilingue.
Et au-delà des chiffres, il y a quand même un point d’inquiétude : qu’Arte perde son âme en grossissant trop vite. Son identité repose sur un mélange unique de rigueur culturelle, de curiosité et parfois de créativité décalée. Un virage industriel trop massif pourrait diluer cette qualité éditoriale, au risque de transformer la chaîne, qui est excellente (si vous voulez mon avis) en énième catalogue de contenus.
Garder l’esprit Arte
Le projet Arte-plateforme européenne est lancé et porté politiquement par Paris et Berlin. Sa mise en œuvre concrète dépendra de financements solides et d’une coordination à l’échelle de l’UE. Mais le véritable défi sera ailleurs : préserver ce qui fait la singularité d’Arte, son ton, son exigence et son regard. Car c’est bien cette différence qui a séduit des générations de téléspectateurs, et qui pourrait convaincre demain des millions d’Européens de la regarder.
