L’Allemagne relance le débat sur la fin des moteurs thermiques en 2035. En pleine crise industrielle, Berlin réclame des assouplissements pour préserver son industrie automobile face à la concurrence chinoise et au ralentissement de la demande.
Berlin en ordre de bataille contre la fin du thermique
Friedrich Merz a convoqué en urgence un sommet automobile à Berlin. Objectif : obtenir un soutien politique contre l’interdiction de vente de voitures thermiques neuves en 2035, prévue par l’Union européenne. Autour de la table, constructeurs allemands, syndicats, fournisseurs et lobbyistes, tous frappés par une crise profonde. Le chancelier allemand veut désormais tout faire pour faire sauter ce calendrier jugé irréaliste, au nom de la survie industrielle du pays.
Une industrie allemande sous perfusion
Entre restructurations, plans sociaux et effondrement des bénéfices, l’automobile allemande ne tient plus que par des rustines. En un an, plus de 50 000 emplois ont disparu dans le secteur. Bosch prévoit encore 13 000 suppressions d’ici 2030. Porsche relance en catastrophe ses moteurs thermiques après l’échec commercial de la Taycan. Les ventes s’effondrent, la production nationale retombe au niveau de 2005. En ligne de mire : des coûts énergétiques en hausse, une demande mondiale en berne, des droits de douane américains et surtout, une concurrence chinoise plus agile et moins chère sur le segment électrique.
Bruxelles sommé de revoir sa copie
En coulisses, Berlin pousse pour une réforme du texte européen de 2023, qui impose la neutralité carbone aux véhicules neufs à partir de 2035. L’idée n’est plus de revenir en arrière, mais d’introduire des flexibilités : prolongateurs d’autonomie, hybrides rechargeables, carburants de synthèse… autant de technologies que l’exécutif allemand veut voir prolongées au-delà de l’échéance. Une position qui divise la coalition au pouvoir, en particulier avec les sociaux-démocrates, traditionnellement plus favorables à l’électrique pur.
Bruxelles temporise
La Commission européenne, déjà sous pression, pourrait céder partiellement. Des assouplissements sont sur la table : délais supplémentaires pour les hybrides, soutien aux flottes d’entreprise électriques, prise en compte de carburants alternatifs… Ursula von der Leyen tente de maintenir la date de 2035, mais l’hostilité croissante de plusieurs capitales européennes, combinée à la poussée des partis conservateurs, complique la donne. Le Conseil européen du 23 octobre pourrait être décisif.
Le retour en force des EREV
L’un des arguments phares de Berlin concerne les EREV (véhicules électriques à prolongateur d’autonomie). Ces modèles, équipés d’un petit moteur thermique pour recharger la batterie, seraient selon Merz une alternative pragmatique. Mais les ONG environnementales tempèrent : un EREV consomme autant qu’un SUV thermique quand la batterie est vide. Promouvoir cette technologie reviendrait à créer une nouvelle dépendance industrielle.
Le lobbying s’intensifie à Bruxelles
L’ACEA, principal lobby automobile européen, multiplie les pressions sur Bruxelles. Elle milite pour que les biocarburants et carburants de synthèse soient pris en compte dans les objectifs 2035, réduisant de fait la part obligatoire de véhicules 100 % électriques. Selon « Transport & Environment », une organisation non gouvernementale européenne basée à Bruxelles, si toutes les propositions de l’ACEA étaient appliquées, cela diviserait par deux les volumes d’électriques vendus à l’horizon fixé. Le lobby table sur un compromis qui préserverait les marges sans renverser la table.
On en dit quoi ?
La manœuvre allemande ressemble davantage à un réflexe de survie qu’à une vision industrielle. En cherchant à repousser ou assouplir l’interdiction de 2035, Berlin admet à demi-mot avoir raté le virage de l’électrique. Plutôt que de fixer une stratégie cohérente et rattraper son retard, on saupoudre des options techniques pour gagner du temps. Pendant ce temps, la Chine rafle les parts de marché. Le vrai débat n’est peut-être pas l’échéance de 2035, mais la capacité de l’Europe à sortir de sa dépendance technologique et énergétique. Vous en pensez quoi vous ?