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Les robots humanoïdes : une stratégie de survie pour les géants de la tech

Par Nicolas Sabatier - Publié le

Depuis quelques années, la plupart des grandes entreprises de la technologie se mettent à développer des robots en interne. Pourquoi cet engouement soudain et qu’est-ce que cela dit de notre avenir ?

Les robots arrivent.
Les robots arrivent.


Tout le monde s’y met



Avec l’IA, il semble que la nouvelle mode dans le monde de la technologie est le robot, et plus précisément le robot humanoïde. Il est plus facile de lister les entreprises qui ne font pas de robot que de lister toutes celles qui ont un projet en développement. Tout le monde s’y met, même si ce n’est pas le cœur de métier de la société.

Le Tesla Optimus. Objectif : remplacer les humains sur la chaine de production.
Le Tesla Optimus. Objectif : remplacer les humains sur la chaine de production.


Évidemment, Elon Musk s’est lancé tête la première dans ce projet, quitte parfois à tricher un petit peu, en montrant des robots contrôlés à distance. Mais il est loin d’être le seul. Meta, après s’être lancé dans la réalité virtuelle à corps perdu, et a changé de nom en conséquence, jure que c’est en fait une entreprise totalement dédiée à l’IA et que la robotique fait partie de ce pivot.

Même Dyson, après son projet avorté de voiture électrique, se met à faire des prototypes de robot.



Nvidia, seule entreprise vraiment gagnante, pour l'instant, dans la course sans fin à l’IA grâce aux ventes de puces, a, elle aussi, dans ses cartons des robots créés en partenariat avec Google et Disney. L’entreprise de Jensen Huang a même l’objectif de proposer un robot humanoïde à la vente dès la fin de cette année.

Foxconn, le géant taïwanais qui fabrique une part importante des produits Apple en Chine, s’apprête à dévoiler son propre robot, en collaboration avec Nvidia, en 2026.



Google n’est pas en reste. Non seulement l’entreprise collabore avec Nvidia mais développe également des prototypes de robots humanoïdes dotés de son IA Gemini Robotics, spécialement conçue à cet effet.

Des robots Apple ?



Apple, elle aussi, se lance dans la bataille. Tout en réorganisant une partie de l’entreprise pour faire face à sa crise de la gestion de l’IA, Cupertino remanie aussi sa division robotique. Oui, vous avez bien lu, Apple a une division robotique qui sera désormais sous la coupelle du talentueux John Ternus.

Il est très rare qu’Apple montre des prototypes. Depuis le retour de Steve Jobs, on peut compter sur les doigts d’une main le nombre de fois où Apple a montré un produit qui n’a pas été disponible à l’achat par la suite. Alors pourquoi montrer ce prototype ?

L'AirPower : rare produit à avoir été montré sans être disponible à la vente.
L'AirPower : rare produit à avoir été montré sans être disponible à la vente.


Sans doute qu’Apple avait à cœur de démontrer une certaine expertise en interne autour de l’IA et de la robotique, comme pour dire : nous aussi, on sait faire ça et on le fait à la Apple, en connectant l’émotion pour une meilleure interaction.

Une concurrence chinoise



Non seulement les géants de la tech se lancent dans le développement de robots, mais ils ne sont pas les seuls. C’est le cas de plusieurs entreprises chinoises qui communiquent largement sur ces technologies. Impossible de toutes les citer, tellement elles sont nombreuses. Mais beaucoup de vidéos font le tour du monde, tant elles frappent l’imaginaire. Comme cette vidéo récente d’un robot qui fait la lessive :



Ou encore celle d’un robot open-source qui fait du kung-fu :



La Chine a même organisé cet été les premiers jeux olympiques de la robotique afin de communiquer autour de son savoir-faire.

Des start-up s’y mettent



Outre les géants de la tech et la Chine, les start-up aussi flairent le bon filon afin d’avoir des investissements. Figure AI, située à San José, est par exemple évaluée à plus de 40 milliards de dollars. Elle a un partenariat avec BMW, sachant que les usines du constructeur bavarois sont déjà très largement automatisées. Figure AI vient d'ailleurs de dévoiler son dernier robot : le Figure 03.

Un autre exemple : 1x Technologies. Cette start-up est spécialisée dans les robots humanoïdes pour les tâches ménagères. Financée en partie par OpenAI, elle exploite les modèles de la société.

Mais non, ce n'est pas flippant.
Mais non, ce n'est pas flippant.


À la recherche de The Next Big Thing



Le monde de la technologie s’est bâti autour de révolutions qui entrainent une redistribution complète des cartes. Nous pouvons citer l’arrivée des microprocesseurs dans les années 70, les ordinateurs personnels dans les années 80, l’explosion du web et des logiciels dans les années 90, pour finir avec le smartphone dans les années 2010.

L'Apple Park a été construit en partie sur l'ancien campus d'HP.
L'Apple Park a été construit en partie sur l'ancien campus d'HP.


Les entreprises sont terrifiées à l’idée de passer à côté d’un changement de technologie de grande ampleur. La Silicon Valley est le terreau de l’innovation, mais aussi un véritable cimetière à ciel ouvert. Par exemple, ayant besoin d'espace pour se développer, Apple a racheté le campus d’HP pour créer Apple Park, HP n'étant plus ce qu'elle était depuis 30 ans.

Qui se rappelle de DEC, Novell, Lotus ou encore de Sun Microsystems ? Pour la petite histoire, les bâtiments actuels de Facebook étaient les anciens de Sun. Et Zuckerberg a gardé le même panneau, juste en le retournant. Sans doute afin de rappeler à ses collaborateurs que l’échec n’est jamais loin.

Derrière le panneau de Facebook, les restes du panneau Sun Microsystems, mastodonte disparu de la Silicon Valley.
Derrière le panneau de Facebook, les restes du panneau Sun Microsystems, mastodonte disparu de la Silicon Valley.


Ainsi, tout le monde cherche The Next Big Thing. Que ce soit la réalité virtuelle ou mixte, les voitures autonomes, les wearables ou les IA… On sent la terreur des GAFAM d’être totalement laissés sur place par une technologie qu’ils ne maîtrisent pas.

Comme Microsoft qui, alors que bien placée avec son Windows CE et Mobile, a totalement perdu pied face à l’iPhone et Android. Et je ne parle même pas de Motorola, Nokia ou encore RIM…

La concurrence à la sortie de l'iPhone : ils ont tous disparu.
La concurrence à la sortie de l'iPhone : ils ont tous disparu.


Pourquoi faire des robots ?



Mais revenons à nos robots. Cette course à la robotique vient de plusieurs éléments. La première est la chute des prix des composants, comme les capteurs et les batteries, générée par le succès des smartphones. De plus, le développement rapide et récent des derniers modèles d’IA permet à ces robots de mieux naviguer dans le monde réel qu’auparavant.

Là où je suis un peu sceptique est sur le prix. Faire un robot humanoïde est beaucoup plus complexe que de faire un smartphone. Il faut des capteurs, des moteurs, une grosse batterie, etc. Le prix du matériel en lui-même est déjà important, sans compter les coûts exorbitants de développement, notamment en ce qui concerne les IA.

Les robots humanoïdes : une stratégie de survie pour les géants de la tech


Tous ces robots humanoïdes ont des prix qui commencent au minimum à partir de 15 000 €, avec beaucoup qui montent à 30 000 €, et certains même au-delà des 90 000 €. Donc, nous sommes dans le domaine du prix d’une voiture, pour une utilité qui est encore à démontrer. À terme, je peine à croire qu’on pourra avoir un robot humanoïde utile pour un prix en dessous des 10 000 €.

On peut alors se poser légitimement la question : pourquoi toutes ces entreprises se lancent dans le développement de robots humanoïdes ? La première réponse est l’effet de mode. Si tout le monde se met à faire quelque chose, c’est qu’il doit y avoir une raison, et les autres suivent le mouvement.

Les usines BMW sont presque totalement automatisées.
Les usines BMW sont presque totalement automatisées.


La deuxième réponse est le marché. Contrairement à toutes les démonstrations, ces robots ne sont pas faits pour nous aider dans notre quotidien à faire la lessive ou autres tâches ménagères. En aucun cas ces robots ont pour but d'être achetés par des particuliers pour les aider à entretenir leur domicile.

Non, ces robots sont développés afin de remplacer des travailleurs. Certains ne s’en cachent pas, comme Tesla qui prévoit d’utiliser Optimus d’abord dans ses propres usines avant de le commercialiser. Avec le vieillissement de la population et la chute de la natalité, il va y avoir une grande pénurie de main d’œuvre. Ce qui est déjà le cas dans de nombreux pays, comme au Japon et en Corée du Sud actuellement et à terme en Europe et aux USA. Sans compter l’augmentation des coûts salariaux, il faut prendre en compte les avantages d’un robot sur un salarié.



Avec un prix de 10 000 à 100 000 $ pour l’achat d’un robot, c’est inaccessible pour le grand public, mais c’est à peine le salaire brut annuel d’un salarié. De plus, une machine n’a pas besoin de se reposer, de dormir, de prendre le week-end ou des vacances, ne se syndique pas, n’a pas de salaire et donc ne demande pas d’augmentation, ne demande pas non plus de meilleures conditions de travail et ne fait pas grève.

Le meilleur exemple est Amazon qui a investi dans des robots depuis des lustres. Ils fonctionnent actuellement dans beaucoup de ses entrepôts. La société a d’ailleurs annoncé qu’elle a un million de robots pour 1,5 million de salariés. Amazon va bientôt avoir plus de robots que d'employés. Il n'est pas difficile d'imaginer le processus de vente et de livraison d'un colis Amazon totalement automatisé, sans l'aide d'humain. La société teste d'ailleurs actuellement des livraisons par drones autonomes. À partir de documents internes, le New York Times écrit qu'Amazon compte économiser l'embauche de plus de 160 000 personnes grâce à l'automatisation pour 2027. Et pour 2033, ce serait 600 000 postes sacrifiés sur l'autel des robots.

Amazon Prime Air : se faire livrer chez soi en quelques minutes par un drone.
Amazon Prime Air : se faire livrer chez soi en quelques minutes par un drone.


On commence à parler de dark factory, d’usines totalement dans le noir car sans humains, les robots n’ayant pas besoin de lumière pour fonctionner grâce à leurs capteurs. Foxconn et d’autres entreprises travaillant pour Apple, s’y intéressent fortement, à cause des difficultés grandissantes de trouver de la main d’œuvre en Chine à bas coût.

Avec les IA qui commencent à prendre le travail des cols blancs et la robotisation qui vampirise le travail des cols bleus, quels types de postes restent-t-il pour nous et nos enfants ?