L’Assemblée nationale a approuvé lundi plusieurs mesures controversées dans le cadre du projet de loi contre le trafic de stupéfiants. Parmi elles, une disposition se veut particulièrement sensible : il s'agit de l’activation à distance d’objets électroniques, y compris les téléphones portables, afin d'écouter des suspects à leur insu.
Initialement supprimée en commission, cette mesure a finalement été réintroduite par amendement, malgré son rejet par le Conseil constitutionnel fin 2023 dans une précédente loi portée par Éric Dupond-Moretti. Pour éviter une nouvelle censure, le rapporteur du texte -Vincent Caure- a assuré que son utilisation serait strictement encadrée et réservée aux formes les plus graves de criminalité organisée.
Pas question de pouvoir mettre sur écoute n'importe qui, n'importe comment : concrètement, l’activation d’un smartphone ou d’un autre appareil connecté pour filmer ou écouter un suspect (à son insu) ne pourra se faire qu’avec l'autorisation d’un juge, et ce, pour une durée limitée. Certaines professions -comme les magistrats, avocats et journalistes- seront exemptées de ce dispositif.
Autre mesure phare du texte : la prolongation de la garde à vue jusqu’à 120 heures pour les mules, à savoir les personnes transportant de la drogue dans leur corps avec les risques parfois mortels que l'on sait. Cette disposition, portée par Éric Pauget, vise à améliorer la collecte de preuves tout en garantissant un encadrement médical et judiciaire. Là encore la mesure a été adoptée malgré de vives oppositions.
Les députés ont également durci le projet de loi avec plusieurs amendements : - Interdiction du territoire pour les étrangers condamnés à au moins cinq ans de prison pour trafic de stupéfiants (sauf décision contraire d’un juge). - Création d’une circonstance aggravante lorsque les faits sont commis avec une arme. - Nouveau délit pour l’apologie publique d’une organisation criminelle. - Sanctions contre les personnes entretenant des liens avec des réseaux criminels sans pouvoir justifier de leurs ressources. - Pénalisation de toute participation régulière ou significative à l’activité d’une organisation criminelle.
Des craintes sur la liberté d’expression
Gérald Darmanin Ministre de la Justice en poste a soutenu le renforcement des sanctions, mais il a toutefois exprimé des réserves sur certaines formulations, notamment autour du délit d’apologie d’organisations criminelles. Quant à lui, le ministre de l’Intérieur a demandé à ce que ces points soient précisés lors de la suite du processus parlementaire, afin d’éviter toute atteinte à la liberté d’expression.
L’examen de la proposition de loi visant à lutter contre le narcotrafic n’est pas allé à son terme à l’Assemblée nationale hier soir. Le président de séance Jérémie Iordanoff a mis fin à la séance à minuit, 88 amendements restant en discussion. Aussi, le vote solennel -qui était prévu pour aujourd'hui mardi 25 mars- est reporté de deux à trois jours.