Ce lundi 31 mars, l’Autorité de la concurrence française a bien infligé une amende de 150 millions d’euros à Apple, accusant la firme de Cupertino d’avoir abusé de sa position dominante sur le marché de la distribution d’applications mobiles entre avril 2021 et juillet 2023. En effet, est mise en cause la manière dont a été déployée la fonctionnalité de suivi d'applications (en VO App Tracking Transparency ou ATT) au sein d’iOS.
Une fonction pensée pour la confidentialité, mais critiquée par les régulateurs
Lancée avec iOS 14.5, la fonction ATT impose aux applications de demander explicitement le consentement des utilisateurs avant de pouvoir les suivre à des fins publicitaires. Si Apple présente cette mesure comme un renforcement de la vie privée, l’Autorité de la concurrence estime qu’elle a désavantagé les acteurs tiers, tout en renforçant indirectement la position d’Apple dans l’écosystème publicitaire mobile.
Dans son communiqué, l’Autorité reproche à Apple une multiplication des fenêtres de consentement, rendant le parcours utilisateur plus complexe pour les applications tierces que pour les services de la firme. Elle souligne également que les petits éditeurs, qui dépendent largement du ciblage publicitaire basé sur les données, ont été particulièrement pénalisés.
Eu égard à la gravité des faits, à la durée de l’infraction (entre le 26 avril 2021 et le 25 juillet 2023) et à la puissance économique d’Apple, l’Autorité a décidé de prononcer à l’encontre des sociétés Apple Distribution International Limited (ADI) et Apple Inc., en tant qu’auteures, et des sociétés Apple Operations International Limited et Apple Inc. en tant que sociétés mères, une amende de 150 000 000 euros.
L’Autorité adjoint à cette sanction pécuniaire une obligation pour Apple de publication du résumé de la décision sur son site internet pendant une durée de sept jours consécutifs.
Le cœur de l’accusation repose sur le traitement différencié des applications tierces par rapport aux services de la Pomme. L’Autorité française considère que ce déséquilibre aurait permis à la firme de favoriser son propre écosystème, tout en restreignant les capacités de monétisation des concurrents, en particulier dans le segment des applications gratuites ou financées par la publicité.
De son côté, Cupertino affirme que l’App Tracking Transparency a été conçue pour protéger les utilisateurs et qu’elle est appliquée de manière équitable. La société devrait faire appel de cette décision, comme elle l’a déjà fait dans des affaires similaires sur d’autres marchés.
Notons que l'Autorité de la concurrence a aussi mis en ligne un petit support -le même que celui-ci affiché pendant la conférence presse (disponible ici).
Une décision qui relance le débat sur l’équilibre entre vie privée et concurrence
Cette sanction s’inscrit dans un contexte européen plus large, où les grandes plateformes sont de plus en plus surveillées quant à leur utilisation des outils de contrôle des plateformes pour potentiellement bénéficier d’un avantage concurrentiel. L’affaire pourrait également avoir un écho avec l’entrée en vigueur du DMA (Digital Markets Act), qui vise à garantir des règles du jeu équitables entre les géants du numérique et les autres acteurs du marché.