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Airbus, Thales et Leonardo fusionnent leurs satellites pour survivre à Starlink

Par Vincent Lautier - Publié le

Face à la domination écrasante de Starlink, Airbus, Thales et Leonardo vont fusionner leurs activités satellites. Ce Projet Bromo doit permettre de créer un champion européen unique. Valorisé à près de 10 milliards d'euros, ce géant doit permettre à l'Europe d'exister, mais l'opération sera complexe à mettre en oeuvre.

Thales est une entreprise française spécialisée en défense, sécurité, aérospatial et technologies numériques.
Thales est une entreprise française spécialisée en défense, sécurité, aérospatial et technologies numériques.


L'Europe spatiale obligée de s'unir



Le constat est simple : l'industrie européenne du satellite est en train de se faire écraser. Face aux géants américains, et particulièrement à SpaceX qui déploie sa constellation Starlink à une vitesse folle, les acteurs européens sont trop petits et trop divisés. En passant leur temps à se concurrencer sur les appels d'offres nationaux ou européens, ils n'ont pas la taille critique pour rivaliser au niveau mondial. Le Projet Bromo, nom de code de la fusion des activités spatiales d'Airbus, Thales et Leonardo, est une réponse directe à cette menace. L'objectif est de cesser les luttes intestines pour enfin créer un acteur unique capable de tenir tête aux Américains et aux Chinois.

Un accord à 10 milliards d'euros



Après des mois de négociations complexes, les trois industriels semblent avoir trouvé un accord-cadre. Le projet consiste à regrouper leurs principaux actifs de fabrication de satellites (comme Airbus Space Systems ou Thales Alenia Space) au sein d'une seule coentreprise. Selon les estimations, cette nouvelle entité serait valorisée entre 7,5 et 10 milliards d'euros. L'idée est de s'inspirer de ce qui a été fait pour MBDA, le champion européen des missiles. L'Agence Spatiale Européenne (l’ESA) elle-même soutient la démarche, estimant que l'Europe a besoin d'une industrie forte et capable d'être compétitive au niveau mondial.

Leonardo et les groupe italien axé sur défense, aéronautique, cybersécurité et technologies spatiales.
Leonardo et les groupe italien axé sur défense, aéronautique, cybersécurité et technologies spatiales.


Une question d'équilibre politique



Le principal obstacle aux négociations n'était pas technique, mais politique. Historiquement, Airbus est le plus gros acteur des trois. Pour que l'accord se fasse, et notamment pour rassurer l'Italie (Leonardo) qui investit massivement dans le spatial, Airbus aurait accepté de ne pas être majoritaire. Le patron d'Airbus, Guillaume Faury, aurait accepté de descendre la participation de son groupe aux alentours de 35 %. Cela permettrait à Thales de détenir une part similaire (35 %) et à Leonardo de récupérer les 30 % restants, pour se rapprocher d'une forme de parité.

La crainte d'un monopole et l'impact social



Évidemment, la création d'un acteur unique sur le continent ne plaît pas à tout le monde. La CGT est montée au créneau pour dénoncer ce qu'elle estime être un prétexte. Pour le syndicat, la vraie raison de ce projet est de créer un monopole pour imposer ses prix aux agences spatiales publiques (comme le CNES français ou l'ESA) et d'augmenter les marges pour les actionnaires. Le syndicat s'inquiète aussi des conséquences sur l'emploi, affirmant que des centaines de postes ont déjà été supprimés chez Airbus et Thales en 2024, avant même la fusion.

Airbus est le leader européen de l’aéronautique, défense, espace et solutions technologiques innovantes.
Airbus est le leader européen de l’aéronautique, défense, espace et solutions technologiques innovantes.


On en dit quoi ?



On assiste à la tentative de création d'un Airbus des satellites. Sur le papier, la logique est imparable : l'Europe n'a aucune chance de survivre face à Starlink si elle reste fragmentée. Mais cette consolidation a un prix. Le risque de créer un monopole qui se servira de sa position dominante pour faire monter les prix payés par les contribuables (via les agences spatiales) est bien réel. Le véritable arbitre sera la Commission européenne. Elle devra décider ce qui est le plus important : maintenir une concurrence interne, quitte à voir l'industrie européenne disparaître, ou sauver cette industrie en acceptant une situation de monopole.