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Perplexity : plus forte en buzz qu’en IA ?

Par Nicolas Sabatier - Publié le

La société Perplexity est connue pour faire des annonces fracassantes. La dernière en date étant sa proposition de rachat du navigateur Chrome. Cependant, ce n’est pas la première fois que la start-up fait parler d’elle, et pas qu’en bien.

Perplexity : plus forte en buzz qu’en IA ?


Proposition d’achat de Chrome



Le département de la Justice américain envisage de contraindre Google à se séparer de son navigateur Chrome, estimant que l’entreprise occupe une position excessivement dominante dans les secteurs du web et de la recherche en ligne. Tandis qu’un analyste évalue la valeur de Chrome entre 15 et 20 milliards de dollars, la société Perplexity a, de son côté, formulé une offre dépassant les 34 milliards de dollars.

Perplexity : plus forte en buzz qu’en IA ?


D’abord, cette évaluation de 15 à 20 milliards de dollars n’a aucun sens. Chrome n’a aucune valeur en soi. Google génère de l’argent grâce à la synergie entre son navigateur et ses services web. De plus, Google gagne de l’argent grâce aux publicités. Or, le géant de Mountain View est obligé de payer 20 milliards de dollars par an à Apple, non pas pour que Google soit le moteur de recherche par défaut comme on pourrait le croire, mais c’est le revenu total car Google paye Apple par recherche effectuée par Safari. Tout cela est économisé quand vous maitrisez le navigateur.

Perplexity : plus forte en buzz qu’en IA ?


Ensuite, que Perplexity propose 34 milliards est comique. D’abord parce que Chrome ne vaut pas ce prix exorbitant. Ensuite parce que Perplexity ne peut pas se permettre un tel achat : l’entreprise est évaluée aux alentours de 18 milliards de dollars et ne gagne pas d’argent. Alors certes, l’entreprise parle de partenariats avec des financiers et investisseurs, mais qui pourrait le croire ? C’est donc juste une annonce pour faire parler de l’entreprise. Et il semble que tout le fonctionnement de la société est centrée autour de ce concept : faire parler de soi.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que Perplexity joue cette carte : la société s’est initialement fait connaître lorsque son fondateur a publiquement affiché son ambition de concurrencer le moteur de recherche de Google.

Proposition de rachat de n'importe quel navigateur



Il se trouve que Perplexity a cherché à racheter d'autres navigateurs. En décembre 2024, l'entreprise avait essayé de racheter The Browser Co., créateur d'Arc et de Dia. Ce n'est pas tout, quelques mois plus tard, Perplexity s'est intéressé à Brave et aurait offert un milliard de dollars pour le navigateur et le moteur de recherche.

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Ne trouvant pas un terrain d'entente, Perplexity aurait jeté son dévolu sur DuckDuckGo qui est connue pour son moteur de recherche, mais qui a aussi son propre navigateur (j'avoue que je l'ignorais). Je devrais moi aussi faire un navigateur à base de Chromium et essayer de le leur vendre...

Proposition de rachat de Tiktok



Perplexity : plus forte en buzz qu’en IA ?


Ce n’est pas la première annonce fracassante signée Perplexity. Il y a quelques mois, l’entreprise avait déjà créé la surprise en proposant de racheter une partie de TikTok. Là encore, l’opération relevait davantage du coup de communication que d’un projet réaliste. D’une part, TikTok n’a jamais été officiellement mis en vente : son propriétaire chinois a toujours affirmé préférer se retirer du marché américain plutôt que de céder l’entreprise. D’autre part, même dans l’hypothèse d’une mise en vente, Perplexity n’aurait eu ni les moyens financiers ni le profil pour rivaliser avec des géants comme Oracle ou Microsoft, dont les liquidités se chiffrent en dizaines de milliards de dollars. Le plus cocasse reste sans doute le montant avancé : environ 50 milliards de dollars… pour une société dont la valorisation actuelle ne dépasse pas les 20 milliards.

Perplexity ose tout et c'est à ça qu'on la reconnait



Rappelons que, contrairement à Anthropic ou OpenAI, Perplexity ne dispose pas de modèle d’IA propriétaire. La start-up fonctionne grâce à un assemblage de modèles existants, qu’elle agrège pour ses services. Dans les faits, elle s’appuie sur Claude (Anthropic), GPT (OpenAI), Llama (Meta) et d’autres modèles.

Perplexity a bien essayé de développer ses propres modèles, pplx-7b et pplx-70b, mais ils reposent sur des architectures open source (principalement Llama) que l’entreprise s’est contenté d’affiner. Consciente de son retard face à la concurrence, la société a récemment appelé les régulateurs américains à instaurer un droit à l’interopérabilité : une mesure qui obligerait OpenAI, Google ou Anthropic à partager leurs avancées technologiques avec leurs rivaux, dont Perplexity. Cela ne coûte rien de demander…

Le CEO de Perplexity, Aravind Srinivas, demande à accéder gratuitement aux technologies de ses concurrents.
Le CEO de Perplexity, Aravind Srinivas, demande à accéder gratuitement aux technologies de ses concurrents.


Cela ressemble aussi à une demande, tout aussi opportuniste, de l’inénarrable Elon Musk, qui avait plaidé pour une pause générale d’un an dans le développement de l’IA, officiellement au nom de la sécurité, mais officieusement parce qu’il était lui-même à la traîne.

Perplexity se fait attraper par Cloudfare



Perplexity fait également parler d’elle dans un registre nettement moins flatteur. Récemment, Cloudflare l’a directement épinglée, l’accusant de continuer à explorer et extraire massivement des données sur le web, y compris lorsque les propriétaires de sites demandent explicitement ne pas le faire. L’entreprise ignore sciemment le fameux robot.txt, contrairement à OpenAI ou encore Google. Bref, un comportement peu éthique qui commence à énerver un peu tout le monde. Si vous gérez un site web, vous avez dû remarquer depuis quelques années une augmentation extrême du trafic venant des différents bots qui collectent les données afin d’entrainer les modèles d’IA.

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Cloudfare a même dit de Perplexity que l’entreprise avait, je cite, un comportement plus proche des hackers nord-coréens que des entreprises respectables.

Pillage de contenu



Ce pillage de contenu est désormais de notoriété publique, mais Perplexity tente de se justifier. Pour redorer son image, l’entreprise a même noué des partenariats avec des médias comme Le Monde ou Numerama en France, prévoyant un partage de revenus. Une initiative qui, toutefois, ressemble davantage à une tentative de se donner bonne conscience, ou de masquer un comportement contestable, qu’à un véritable changement de pratiques.

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En effet, de nombreux éditeurs accusent Perplexity de violer le droit d’auteur et d’exploiter des contenus sans autorisation, y compris derrière des paywalls. L’entreprise est régulièrement accusée de reformuler des articles, sans jamais créditer les créateurs originaux ni les rémunérer.

À cela s’ajoute au fait que certaines annonces de partenariats se sont révélées n’être que de simples effets d’annonce, sans concrétisation réelle. Dans le même temps, Perplexity adopte une posture défensive, allant jusqu’à se présenter comme une victime, un récit qui peine à convaincre face à la multiplication des accusations.

Enfin, la start-up a annoncé être le sponsor de Lewis Hamilton, octuple septuple champion du monde de F1. Le nom et le logo de la start-up figurent désormais bien en vue sur le casque du pilote. En matière de coups de communication, il faut reconnaître que Perplexity excelle.

Le casque de Lewis Hamilton arbore en bonne place le logo de Perplexity, sponsor du pilote.
Le casque de Lewis Hamilton arbore en bonne place le logo de Perplexity, sponsor du pilote.


Reste à savoir si cette visibilité s’avérera bénéfique : les multiples polémiques entourant l’entreprise risquent de refroidir certains partenaires potentiels, à commencer par Apple, qui semblait pourtant commencer à s’intéresser de près à la start-up.

C’est d’autant plus regrettable que, malgré l’absence de modèles propriétaires, Perplexity ne manque pas de ressources ni d’idées. La start-up a notamment prouvé son savoir-faire en démontrant à Apple qu’il était possible de concevoir en un temps record un Siri réellement performant. Une démonstration qui ressemblait fort à un message subtilement adressé à Cupertino pour susciter l’intérêt en vue d’un éventuel rachat. J'avais d'ailleurs abordé l'idée d'un rachat de Perplexity dans la conclusion d'un de mes articles sur la déchéance de Siri...

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Perplexity s’est également illustrée avec le lancement de Comet, un navigateur intégrant des fonctions d’IA, ou encore avec un assistant analytique particulièrement puissant, confirmant sa capacité à innover au-delà de ses emprunts technologiques.

Malheureusement, à force de multiplier les coups d’éclat et les excès, Perplexity pourrait bien finir par se tirer une balle dans le pied. On imagine difficilement Apple mettre la main sur une société avec un tel passif. C'est dommage : Cupertino aurait bien besoin de toute l’aide qu’elle peut obtenir en matière d'IA.